C’est une femme du Costa Rica, Christiana Figueres, qui succèdera dans un mois au néerlandais Yvo de Boer pour conduire les négociations internationales sur le réchauffement climatique. A la fois apparatchik – habituée de la grande machinerie onusienne – et atypique – car femme et représentante d’un petit pays du Sud – Christiana Figueres saura-t-elle trouver la combinaison pour donner un nouveau souffle à ces négociations ?
Elle représente une note d’espoir après le triste échec du sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique. La costaricienne Christiana Figueres a été désignée par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, pour prendre la succession d’Yvo de Boer à la tête des négociations internationales sur le climat à partir du 1er juillet. Le Néerlandais avait annoncé son retrait en février, après 4 ans à ce poste.
La nomination de la nouvelle « madame climat » de l’ONU a été saluée sans fausse note. Christiana Figueres est rompue aux délibérations sous l’égide des Nations Unies. Elle occupait depuis 2007 des postes à responsabilité au sein de l’UNFCCC, l’organe de l’ONU chargé de coordonner les négociations internationales sur le climat, et y représentait le Costa Rica depuis 1995.
Evidemment, ce n’est pas un changement de tête qui permettra de résoudre d’un coup la quadrature du cercle que représentent ces négociations. La détermination d’Yvo de Boer à obtenir à Copenhague un accord légalement contraignant pour limiter le réchauffement climatique n’a pas suffi à éviter l’échec. Mais, représentante du sérail sans être le bureaucrate-type, Christiana Figueres semble avoir plusieurs cartes en main pour redonner de l’élan aux négociations.
Montrer l’exemple
Son rôle de représentante d’un petit pays en développement, dans un contexte de tensions persistantes entre Nord et Sud, la place dans la meilleure position pour recréer la confiance entre nations riches et pauvres. C’est là l’enjeu essentiel : parvenir à construire un cercle vertueux, quand pour le moment les pays les plus riches se refusent à chiffrer leur contributions financières, et les engagements sur les réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES) se révèlent largement insuffisants. Christiana Figueres l’assure d’ailleurs, tout en euphémisme : « Cette réaction en chaîne du « mais après vous » n’est pas une attitude très coopérative ».
Son pays lui-même représente aussi un exemple : le Costa Rica s’est engagé à devenir neutre en carbone en 2021. « C’est le genre d’attitude qu’il faut avoir à l’échelle mondiale », a souligné Greenpeace. On remarquera aussi pour l’anecdote que le Costa Rica – où le père de Christiana Figueres a rétabli la démocratie en 1948 et fut trois fois président – a élu pour la première fois une femme à sa tête en février dernier.
Le fait pour l’ONU de choisir une femme pour mener les négociations climatiques n’est pas non plus anodin. Les rapports le soulignent : le changement climatique touche en premier lieu les femmes. La nomination de Christiana Figueres au sommet des négociations marque, assure le porte-parole de l’ONU Martin Nesirky, une volonté de « donner plus de parole aux femmes dans la prise en charge du défi climatique ».
Trouver le consensus
La carrière de Christiana Figueres l’a conduite à s’entendre avec les représentants des secteurs publics, associatifs et privés. Il lui reste à faire preuve du même talent de consensus au poste si exposé qui sera désormais le sien. Son domaine de prédilection intéressera d’ailleurs tout particulièrement ces trois secteurs, puisqu’il s’agit des marchés d’émissions de carbone, dont elle a contribué à développer des mécanismes. Ces instruments écolo-financiers sont vus d’un mauvais oeil par plusieurs ONG, ce qui risque de les rendre particulièrement vigilantes. Avec l’implication financière des pays riches et les réductions d’émissions de GES, ces mécanismes de compensation restent un point de blocage majeur des négociations.
La Costaricienne prendra ses fonctions le premier juillet, quelques jours après la fin de la prochaine session de discussions de l’UNFCCC, qui se tiendra à Bonn du 31 mai au 11 juin. Le principal écueil qui l’attend, c’est bien sûr le contexte global, où un traité légalement contraignant, aux engagements chiffrés et ambitieux, apparaît hors de portée à court terme. Les points de blocage et vues divergentes sont légion, au point que chacun s’accorde à reconnaître que le sommet de Cancun, la COP-16, en décembre, ne permettra pas d’aller beaucoup plus loin que celui de Copenhague un an plus tôt.
D’autant que l’urgence climatique est désormais étouffée par la crise économique. L’Union Européenne, ce mercredi 26 mai, vient d’ailleurs de rappeler cette situation nouvelle. La Commission européenne n’est toujours pas prête à se fixer un objectif de 30% de réduction de ses émissions de GES d’ici à 2030, pour dépasser les 20% fixés depuis 2007 par le « paquet climat-énergie ». Le texte présenté ce mercredi par Connie Hedegaard, la commissaire chargée de l’Action pour le climat, analyse la faisabilité et les coûts d’une intensification des objectifs (voir le résumé). Mais, au final, la Commission botte en touche : la décision de fournir un tel effort « est une décision politique que les dirigeants de l’UE devront prendre lorsque le calendrier et les conditions s’y prêteront », a estimé Connie Hedegaard.