Après les cadres en 2013, une enquête du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle révèle l’ampleur du sexisme vécu par les salariées non cadres. Et propose un kit pour agir.
Ce n’est pas même du harcèlement. Simplement des blagues, des remarques, des attitudes, comme celles que compile PayeTonTaf. Autant de manifestations d’un sexisme ordinaire « qui a pour effet de délégitimer les femmes et de les inférioriser », selon Brigitte Grésy, présidente du CSEP, Conseil supérieur de l’égalité professionnelle.
En 2013, le CSEP dévoilait les résultats d’une première enquête portant sur le sexisme au travail menée auprès de 15 000 cadres dans neuf grandes entreprises françaises. Ses chiffres, juge Brigette Grésy, « ont agi comme un révélateur », levant le voile sur l’ampleur du sexisme ordinaire au travail. Ainsi, 80% des femmes cadres considèrent que, dans le monde du travail, elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes.
Trois ans plus tard, une enquête menée cette fois auprès des salarié.e.s non cadres (10 068 interrogé.e.s par l’institut BVA, dans 8 grandes entreprises françaises), dévoilée jeudi 24 novembre, donne des résultats similaires.
Trois salariées non cadres sur quatre (74%) jugent que le sexisme est présent dans le monde du travail. Elles sont également trois sur quatre à avoir déjà entendu des – ou fait l’objet de – blagues sexistes.Plus de la moitié (51%) ont déjà été confrontées à des situations de marginalisation lors de temps collectifs : on leur a demandé de faire le café, on les a « oubliées » ou exclues d’une réunion, on leur a coupé la parole…
Effets sur la santé
Ce sexisme ordinaire n’est pas sans conséquences. « Ces actes tissent un filet invisible qui limite le potentiel d’émancipation et d’épanouissement des femmes au travail », remarque la ministre du Travail Myriam El Khomri. Et c’est un point sur lequel insiste le CSEP. « Se sentir moins bien dans sa peau, être irritable, mal dormir, voire faire une dépression »… les conséquences d’une ambiance sexiste ne sont pas sans effet sur la santé, estiment une large majorité des salariées.
Les hommes, dans l’ensemble, remarquent moins ce sexisme à l’encontre des femmes – si ce n’est dans ses expressions les plus facilement identifiables, comme les blagues misogynes. Mais ils sont nombreux à observer que les « codes de la virilité » ne les avantagent pas forcément : plus d’un sur deux sent qu’il pèse sur lui des attentes spécifiques liées à son sexe – ne jamais manifester d’émotions, être le pourvoyeur de revenus dans la famille, ou ne pas réclamer du temps pour être père.
A ce sujet les femmes notent, elles, très largement, la stigmatisation qui pèse sur les mères : 66% de salariées interrogées l’ont remarquée.
Lutter contre les « agissements sexistes »
Un point rassurant, tout de même, dans cette enquête : plus les salariées estiment que les entreprises combattent le sexisme et/ou ont une politique en faveur de l’égalité professionnelle, moins elles disent être confrontées au sexisme.
D’où la publication, dans le même temps, d’un « kit pour agir contre le sexisme ». Elaboré par l’ensemble des partenaires sociaux du CSEP, il « vise à accompagner cette dynamique et à donner des clés pour agir concrètement contre le sexisme au travail ». Avec une fiche juridique, des fiches repères pour les représentants du personnel, les employeurs et les victimes, et « 10 leviers pour agir ».
Depuis 2015, la loi permet d’appréhender concrètement les manifestations du sexisme ordinaire avec l’introduction dans le code du travail d’une disposition interdisant tout « agissement sexiste », défini comme « tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. ».
Voir : Les “agissements sexistes” ne passeront plus