Le 3919, numéro vert sur les violences conjugales, a reçu en 2010 deux fois plus d’appels qu’il y a 4 ans. La Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF), qui gère le centre d’appels, y voit la conséquence d’une libération de la parole. Une tendance positive, mais les moyens manquent pour y répondre.
En 2010, le 3919 a reçu plus de 90 000 appels. Deux fois plus qu’en 2007, date de l’instauration du numéro vert. Ce doublement du nombre d’appels ne reflète pas forcément une hausse des violences conjugales, mais plutôt le fait que les femmes en parlent davantage, explique Christine Clamens, directrice générale de la Fédération.
Les responsables de la FNSF soulignent le rôle des opérations de communication dans ce succès. Leur impact est visible grâce au profil des personnes qui appellent. Le bilan 2010, dévoilé lundi 25 juillet, note ainsi que « lors de la campagne « Tea Party » portant sur les conséquences sur les enfants, le taux d’enfants appelant a été multiplié par deux ». Le même phénomène a été observé lors du débat sur la loi de juillet 2010 sur les violences conjugales, portant notamment sur la reconnaissance des violences psychologiques. Celles-ci ont alors été davantage révélées lors des entretiens téléphoniques.
Gratuit, sans risque C’est en 2007 que la plateforme nationale d’écoute téléphonique devient le 3919. Le but est d’offrir un numéro pérenne, et facilement mémorisable pour des femmes qui ne prendront pas forcément le risque de noter un numéro à 10 chiffres. Un an plus tard, le numéro devient gratuit : ainsi il n’apparaît plus sur la facture, minimisant ainsi au maximum les risques. La plateforme dispose de 23 écoutantes en lien avec un réseau de structures locales vers lesquelles les appelant(e)s (des femmes à 93%) peuvent être orienté(e)s en cas de besoin. |
Bricolage
La recrudescence du nombre d’appels pendant ces campagnes ne doit pas occulter leur but premier : l’implantation durable du 3919 dans l’opinion, pour que le numéro soit sollicité hors de ces périodes de campagne. Il n’existe en effet que depuis 2007 (voir encadré), et doit donc encore se faire connaître. C’est le travail des associations, des médias, des pouvoirs publics, mais c’est aussi un « devoir de citoyen, de nous tous », rappelle la présidente de la Fédération, Maryvonne Bin-Heng.
La hausse du nombre d’écoutantes au 3919 (de 12 à 23) suffit tout juste à faire face à l’augmentation du nombre d’appels. La productivité a significativement augmenté : un appel sur trois était traité en 2007 (avec une durée d’écoute d’une demi-heure en moyenne), c’est le cas de plus d’un appel sur deux aujourd’hui. L’objectif visé est de 60 appels traités sur 100 reçus. Ce serait toujours trop peu, déplore Maryvonne Bin-Heng, car « il y a des appels perdus qui sont gravissimes ».
C’est également sur le terrain que le manque de moyens se fait sentir. Le thème n’a été que brièvement abordé lors de la visite de Roselyne Bachelot, venue rencontrer les écoutantes et responsables du centre d’appel le 26 juillet. Maryvonne Bin-Heng a bien tenté de lui en glisser un mot en parlant de la mort de structures locales. Mais la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale a évacué la question : « Il en est des associations comme des êtres humains, il en est qui disparaissent, d’autres qui renaissent ». Pour la présidente de la FNSF, il faut un financement pérenne des associations de terrain. Françoise Brié insiste sur leur rôle fondamental dans la mesure où elles ont une meilleure connaissance et compréhension du sujet. Ce sont elles qui alertent sur certains problèmes très spécifiques, comme le fait qu’un conjoint puisse retrouver sa compagne grâce au GPS de son téléphone. Ce sont elles également qui traitent des questions de genre, permettant aux victimes de rebondir plus facilement par une sensibilisation au droit des femmes par exemple. Or, actuellement, ces associations « bricolent » avec différentes sources de revenus.
Hébergement et formation
Le manque de moyens touche aussi la question de l’hébergement, comme l’a rappelé la récente fermeture d’un foyer d’accueil à Paris. Selon Françoise Brié, « on a besoin de toute la palette ». Autrement dit, le relogement direct doit exister en plus de l’hébergement d’urgence, et non pas le remplacer. Car si le fait de retrouver immédiatement un logement correspond au profil de certaines femmes, d’autres doivent passer par la solution intermédiaire du logement d’urgence.
Si ce point pose problème pour les responsables de la FNSF, elles ont salué la volonté des pouvoirs publics de renforcer l’accueil de jour. Le dernier plan de lutte interministériel contre les violences faites aux femmes propose en effet de « relancer le dispositif et assurer son financement ». Pour Christine Clamens, cette mesure est un succès pour les associations qui sont parvenues à faire valoir l’importance de ces structures ouvertes pendant la journée pour « offrir aux femmes un accompagnement afin de préparer, d’éviter ou de gérer le départ du domicile pour elle-même et leurs enfants le cas échéant ». Ce système permet un traitement en amont, avant que certaines femmes soient tout à fait isolées et précarisées. La FNSF rappelle ainsi que le nombre de victimes ayant abandonné leur emploi est en augmentation de 12% en 2010.
Cette prévention passe également par la formation des acteurs en contact avec les victimes, comme les professionnels de santé. Françoise Brié déplore ainsi l’absence de modules sur la question des violences pendant la formation initiale et la baisse des fonds alloués à la question en formation continue. Là encore, les pouvoirs publics promettent une amélioration, puisque certaines mesure du plan interministériel visent à « poursuivre et renforcer » ces actions de formations initiale et continue.