Avec les WAGs, la Coupe du monde de football est une nouvelle occasion de diffuser du stéréotype en barre sur les sportifs et leurs compagnes… Lesquelles se montrent plus ou moins consentantes.
Sur un air de repos des guerriers, les journaux annoncent avec tambours et trompettes, commentaires parfois déplacés et galeries de photos, que les femmes des Bleus ont débarqué au Brésil.
Foire aux clichés : les joueurs victorieux vont peut-être remonter le moral d’une France en mal de succès ; et pour les soutenir, leurs femmes, signes extérieurs de richesse et de réussite, prennent la pose. Cerise sur le gâteau des stéréotypes : elles auraient même joué les « femmes de » capricieuses en demandant à changer d’hôtel pour un établissement plus proche du standing de leurs maris (une information croustillante démentie par la fédération).
Bien avant le début de la Coupe du monde du Brésil les journaux répertoriaient déjà les WAGs (Wife and/or Girlfriend) – femme et/ou petite amie de joueur – « les plus sexy ». Et bien sûr, tout est ramené à leur physique. « Ces femmes rendent très difficile la concentration sur la balle ! Regardez ces femmes et petites amies les plus sexys de la Coupe du monde 2014», décrit par exemple le diaporama du New York Daily News. La chanteuse Shakira, le mannequin Irina Shayk et la journaliste Coleen Rooney font partie du top 10.
Traitement « sexiste » et « injuste »
Images dénudées, regards aguicheurs, poses lascives… les photographies d’illustration ne cherchent pas à souligner l’intelligence. Le journal espagnol Sport a posté un photo-montage intitulé « L’équipe de foot idéale » (image ci-contre). Au lieu de joueurs masculins, des WAGs en bikini – et un « ballon rose » en forme de cœur.
Elles ne sont plus que « femme de », « partenaire de » ou « mère ». Nancy Dell’Olio, avocate américano-italienne, a été une « WAG » pour les médias, avant de se séparer de Sven-Goran Eriksson, ancien manager de l’équipe de football anglaise. Dans un article de CNN, elle confirme que « le traitement des médias sur les WAGs est assez sexiste et dans la plupart des cas injuste. » Dans le même article, « The Secret Wag », qui écrit anonymement des livres sur sa vie, confirme : « J’ai l’impression que je vis constamment dans l’ombre de mon mari et cela m’a pris un moment pour l’accepter. »
Le terme anglais WAG est utilisé dans le langage courant depuis 2006. Lors de la Coupe du monde en Allemagne à Baden-Baden, les tabloïds anglophones ont énormément médiatisé les « femmes et petites amies de ». Depuis cette année-là, le mot se trouve dans le dictionnaire d’Oxford. Selon sa définition, une WAG est une « femme ou petite amie d’un sportif, qui est très médiatisée et a une façon de vivre glamour ». En substance, une femme dépensière qui n’est là que pour paraître. Une idée que certains – rares – médias essaient de ne pas véhiculer en rappelant leurs carrières et réputations.
« La plupart des WAGs ont leur propre carrière »
La journaliste Eliana Dockterman du magazine Time explique qu’elles sont « plus que les femmes et petites amies des meilleurs joueurs de football du monde » : « Le terme WAG dit implicitement que ces femmes ne sont bonnes qu’à accompagner leurs maris, mais la plupart ont fait leurs propres carrières ; que ce soit avant ou après avoir accédé au statut de WAG. Certaines sont journalistes, d’autres mannequins. » Elle cite Shakira qui est « même plus connue que son petit ami joueur de foot, le défenseur espagnol Gerard Pique. » Ou encore Sara Carbonero : « [Elle] s’est fait un nom en tant que journaliste sportive espagnole et présentatrice de télévision avant de rencontrer son copain actuel Iker Casillas. »
Dans une tribune sur le site du Mirror, la journaliste Katie Hind déplore l’emploi du mot WAG : « Nous ne devrions pas employer ce mot de nos jours car l’expression WAG est désormais inappropriée. Pourquoi ? Car une recherche rapide sur Google nous dit que les partenaires des footballeurs ont des métiers – et de bons métiers. Le genre de travail qui durera plus longtemps que celui de leurs maris ou petits amis plus connus.»
Et voilà les HABs
Les WAGs ne se retrouvent pas que dans le football masculin. Cette utilisation du mot se décline également dans le tennis et, plus rarement, dans le rugby. Lors du tournoi de tennis de Roland Garros, qui a eu lieu en mai, Metronews par exemple a proposé une « sélection savoureuse de ces Wags ». Avec en prime quelques commentaires sur le physique des femmes car les hommes, eux, n’ont qu’à être joueur professionnel pour attirer : « Mais il faut croire en la beauté intérieure?! L’immense champion Rafael Nadal, régulièrement élu tennisman le plus sexy du circuit dans divers magazines, blogs ou sites féminins, n’est pas dans la chasse aux belles femmes comme d’autres. » Voyez aussi ce commentaire sur Mirka Federer : « Si elle n’est pas un canon de beauté, sa place est méritée dans ce classement pour le soutien qu’elle apporte à son champion de mari ; l’ex joueuse pro est même son manager depuis 2002. »
Ce genre d’article a proliféré pour le tournoi de Wimbledon, qui a démarré ce 23 juin. Pour connaître la compagne « la plus sexy », mais pas uniquement : les compagnons et maris, les « HABs », sont également passés au crible. La journaliste du Telegraph Hannah Betts ironise sur ce traitement égalitaire entre hommes et femmes : « Dans un souffle d’égalité, à Wimbledon, nous n’avons pas seulement les compétiteurs hommes avec leurs WAGs (femmes et petites amies) mais aussi les femmes avec leurs HABs (maris et petits amis). De façon honteuse, les joueuses reçoivent des commentaires stupides sur leurs looks mais au final, de manière égale, leurs compagnons sont traités comme des objets.»