En France, les dernières enquêtes de ce type réalisées, par Ann Chadeau et Annie Fouquet datent de 1981 et arrivent à peu près au même résultat. Mais le travail domestique et familial, pourtant facteur de bien-être, tombe dans les oubliettes de l’économie.
Richesse invisible
Inventé au sortir de la guerre, le PIB ne prenait en compte que les biens produits dans les usines –très majoritairement par des hommes-, symboles de puissance des nations. Comme l’explique Jean Gadrey ici, le sexe du PIB est masculin . Il a fallu attendre les années 70 pour qu’il prenne aussi en compte « les services non marchands, liés dans l’imaginaire collectif à la reproduction de la société (éducation, santé, protection sociale…) plus qu’à la production et à la puissance matérielles. »
Aujourd’hui, le travail domestique entre dans le PIB quand ils est délégué sous forme de service à la personne mais il reste invisible lorsqu’il est effectué en famille (par les femmes dans 80 % des cas). Cependant les services à la personne, après avoir connus une belle croissance, sont en crise faute de solvabilité des usagers (in Le Monde).
Enquêtes budget-temps
La mesure de la richesse que représentent les travaux familiaux et domestiques n’est pas simple. La commission Stiglitz semble opter pour des enquêtes budget-temps permettant d’évaluer la répartition du temps entre travail et loisir.
Mais attention, prévient Dominique Méda, « la valorisation monétaire du travail domestique pose un réel problème politique. D’une part, cela tend à mettre toutes les activités sur le même plan (activités domestiques de « care » et activités de production économique). Et, d’autre part, du fait de cette mise en équivalence, certains pourraient en déduire que, si ce que les femmes font à la maison est une richesse plus ou moins équivalente à celle qu’elles produisent comme salariées, elles n’ont qu’à rester chez elles. Il faudra donc manier cette proposition avec beaucoup de précautions. C’est encore plus vrai du temps de loisir, dont on voit mal en quoi et comment la valorisation monétaire fournirait un outil d’aide à l’action »
Indispensable débat
Résoudre la question de la mesure du travail domestique et familial et du bien être qu’il procure ne peut se faire sans un véritable débat national sur la place de la parentalité dans la société et son articulation avec le travail. Concernant la garde des enfants en bas âge par exemple, personne n’est capable de dire s’il est souhaitable que cette garde soit confiée au père, à la mère, à une institution collective, à une personne, jusqu’à quel âge… Les exemples de réussite éducative et de désastre abondent quelle que soit l’option choisie. Et les conseils prodigués ici ou là relèvent de l’idéologie plus que de la vérité scientifique.
En attendant, ce sont les femmes qui assument la garde des enfants de moins de trois ans dans les deux tiers des cas, au prix de sacrifices professionnel, sans que l’on mesure si cette situation est un facteur de richesse ou d’appauvrissement pour les individus et pour la société. A l’étranger, différentes politiques existent. A un extrême l’Allemagne où il existe tellement peu de structures d’accueil de la petite enfance que les femmes sont acculées à choisir entre travail et maternité. Et les taux de fécondité sont faibles. A l’autre extrême, dans plusieurs pays du nord de l’Europe, les congés parentaux sont très longs, pris à moitié par le père et par la mère et la rémunération des parents est presque intacte. Il est urgent que les fausses évidences et les idéologies laissent place à une réflexion en profondeur. Il ne faudra pas esquiver le débat.