Détails sur les règles, photos de mucus, slogans choc… les opposant.e.s à la proposition de loi anti-IVG n’ont pas manqué d’inventivité dimanche 3 avril en Pologne. Elles réclament le respect de leurs droits reproductifs.
« Non à la torture des femmes ! » Des milliers de Polonais.e.s se sont réuni.e.s dimanche 3 avril pour protester contre la proposition de loi portée par les organisations pro-vie et les autorités religieuses – soutenue par la Première ministre du parti conservateur Droit et Justice (PiS) – de limiter encore davantage les droits à l’avortement.
Actuellement dans le pays, l’IVG est autorisée pour trois raisons : en cas de malformation du foetus, de menace sur la santé de la mère ou de viol/inceste. La proposition de loi interdirait presque totalement l’avortement, sauf en cas de danger de mort pour la mère.
Lire : Pologne : gouvernement et Église, main dans la main contre l’avortement
Un recul qui ne passe pas, la loi actuelle étant déjà considérée comme un compromis difficile. « Nous ne nous soumettrons pas aux fanatiques polonais », scandait la foule, « Dignité, santé, sécurité », réclamait-elle, « Faites l’amour, pas le PiS » (Make love, not PiS). À Varsovie, répondant à l’appel du parti de gauche Razem (Ensemble), plus de 7 000 personnes ont défilé, réclamant le respect des droits reproductifs car « ce sont des droits humains ».
Beaucoup défilaient avec un cintre en fil de fer à la main, instrument des avortements artisanaux « utilisé par les femmes désespérées et privées de leurs droits pour interrompre leur grossesse », soulignaient les organisateurs. Après l’évènement, les cintres ont été accrochés à un arbre, en face du Sejm, l’Assemblée nationale.
Détails sur les règles et photos de mucus
Au-delà des manifestations, qui ont eu lieu dans plusieurs villes, c’est aussi dans les églises que l’opposition s’est mobilisée. Les évêques avaient en effet prévu de lire à leurs fidèles, pendant la messe, un appel à « une interdiction totale de l’avortement ». Le but étant de récolter le maximum de signatures – au minimum 100 000 – pour que la proposition de loi déposée fin mars au Parlement – à majorité conservateur- soit examinée. « La vie de chaque personne est protégée par le cinquième commandement : ‘Tu ne tueras point’ », commençait la déclaration.
Dans l’une des principales églises de la capitale Varsovie, cette phrase a déclenché le départ de plusieurs fidèles. « Scandale ! », « Je ne veux pas entendre cela, je veux sortir ! », criaient certaines dans les rangs. Et le prêtre de rétorquer que l’église n’était pas le lieu « des opinions politiques ». Pourtant, « la Pologne est devenue un Etat théocratique (…) Les politiciens sont ‘églisianisés’, les prêtres sont ‘politisés’, le Président parle la langue des évêques, les évêques parlent comme les chefs du parti (NDRL : le parti Droit et Justice PiS) », analysait plus tôt Magdanela Sroda, figure polonaise, philosophe féministe. À Cracovie, ce sont plus de la moitié des fidèles, presque exclusivement des femmes, qui sont sorties de l’église au moment de la déclaration.
Et la mobilisation ne s’est pas essouflée. C’est sur les réseaux sociaux qu’elle s’est poursuivie, ou plus précisément sur la page Facebook de Beata Szydlo. La Première ministre avait ouvertement soutenu l’initiative de l’Église contre l’avortement, preuve qu’elle s’intéresse beaucoup à « notre fécondité », ironisent les opposantes. Elles ont ainsi décidé de partager les détails de leurs règles, leurs cycles, d’envoyer des photos de leur mucus… sur sa page Facebook. Les organisateurs de cet évènement appellent également à envoyer des mails, écrire, et appeler les bureaux du gouvernement et de l’Église pour leur raconter au maximum les détails de leur vie intime.
Lire aussi sur Les Nouvelles NEWS :
Pologne : gouvernement et Église, main dans la main contre l’avortement
Avortement en Pologne : la loi de Dieu ou celle des hommes ?
La Pologne claque la porte à l’avortement