Le harcèlement au collège ou au lycée trouve un écho amplificateur sur internet. Dans chaque classe, trois filles et deux garçons sont victimes de cybersexisme. Avec, toujours, une spécificité : les filles sont soumises à des « cyberviolences à caractère sexuel ».
C’est un effet « boule de neige », un effet d’accumulation. Le harcèlement au collège et au lycée, est renforcé, décuplé, relayé par internet et les réseaux sociaux. Hors ligne ou en ligne, les espaces sont « imbriqués », affirme une étude inédite sur le cybersexisme publiée mardi 27 septembre.
Coordonnée par le Centre Hubertine Auclert, réalisée en 2015-2016 par l’Observatoire universitaire international d’éducation et de prévention auprès de 1 500 jeunes âgé.e.s de 12 à 15 ans, elle avance des chiffres sans équivoque : dans chaque classe, trois filles et deux garçons sont victimes de cybersexisme.
Une fille sur six confrontée à des cyberviolences à caractère sexuel en lien avec des photos, videos ou textos
Sans surprise en effet, « les filles sont davantage victimes que les garçons », nous confirme Clémence Pajot, directrice du Centre Hubertine Auclert. En ligne, au collège ou au lycée, les filles sont victimes de violences spécifiques « à caractère sexiste et sexuel ». Ainsi, elles sont deux fois plus victimes de violences à caractère sexuel que les garçons : 29% contre 16%. Une fille sur cinq aurait d’ailleurs subi des gestes à caractère sexuel et une fille sur sept dit avoir subi des attouchements sexuels, soit 14% de filles contre 6,8% de garçons.
Et sur internet, pas de répit, le harcèlement se prolonge et se décuple.
Ainsi 20% des filles (et 13% des garçons) rapportent avoir subi en ligne des insultes sur leur apparence physique.
Elles sont aussi deux fois plus nombreuses que les garçons à avoir été l’objet de rumeurs (13,3% contre 6,3%) .
Plus d’une fille sur six (17%) contre un garçon sur dix (11%) a été « confrontée depuis le début de l’année à des cyberviolences à caractère sexuel en lien avec des photos, vidéos ou textos ».
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Dès leur sortie de l’école – ou même pendant les cours – internet est le premier réflexe des adolescent.e.s. Selon une étude Ipsos réalisée en 2015, ils et elles passent en moyenne deux heures par jour sur internet.
Et, comme dans l’espace public, les garçons et les filles ne reçoivent pas les mêmes injonctions. « Les filles sont incitées à exposer leur corps », explique l’étude. « Ne pas le faire, c’est se couper de cette sociabilité attendue des filles, c’est risquer d’être perçue comme ‘coincée’ ».
Une viralité difficile à maîtriser
« Quand un garçon met une photo de lui, torse nu, les filles vont forcément commenter en disant : ‘Tu es trop beau’ et les gars aussi. Alors que quand c’est une fille qui met une photo d’elle, soit en débardeur, soit en maillot de bain, ils vont dire : ‘Regardez comment elle fait sa pute, celle-là’ », raconte Erika, élève de 3ème, interrogée par les chercheur.e.s.
Pire : quand un contenu met en scène une fille, y compris si elle n’est pas d’accord, elle sera considérée comme la seule responsable « des effets de la diffusion de ces contenus ». Et sur internet, la viralité produit un emballement difficile à maîtriser.
1 fille sur 11 a d’ailleurs déjà vu des photos ou vidéos d’elle modifiées et/ou diffusées sans son accord. Chez les garçons, le ratio est moindre mais également important : 1 sur 15.
Les filles sont également deux fois plus nombreuses que les garçons à avoir réalisé des selfies sous la contrainte (4% d’entre elles contre 1,4% des garçons).
Quelles conséquences pour ces jeunes victimes de cybersexisme ? Isolement, insécurité, déménagement, et, dans les pires des cas, suicide. Alors, comment lutter contre ce « virtuel bien réel » ? Il faut « responsabiliser les jeunes », rappelle Clémence Pajot, car le cybersexisme « est banalisé ». Interventions de prévention, protocole de prise en charge et d’accompagnement, les pistes ne manquent pas.
Dans cette optique, une campagne de sensibilisation, #StopCybersexisme, est lancée ce mardi 27 septembre par le Centre Hubertine Auclert. Au programme, un spot TV diffusé sur plusieurs chaînes de télévision et un kit de sensibilisation mis à disposition dans 1 500 établissements du secondaire. Un projet pilote est également prévu auprès de 1 500 collégiens et lycéens afin de déconstruire les stéréotypes et les sensibiliser au cybersexisme.
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