Mettre en œuvre la « troisième génération des droits des femmes ». Voilà l’enjeu de la politique arrêtée à l’issue du Conseil interministériel aux droits des femmes, qui réunissait l’ensemble du gouvernement, vendredi 30 novembre. C’était le premier rendez-vous de ce genre depuis 12 ans.
« Après les droits civiques reconnus à la Libération, après les droits économiques et sociaux des années 70 et 80, il s’agit désormais de construire les droits qui feront l’égalité réelle », explique le ministère des Droits des femmes. Autrement dit : « passer de l’égalité dans les textes à l’égalité dans les têtes et dans les faits. » Pour ce faire, le Comité interministériel a débouché sur un catalogue fourni de mesures, répertoriées sur pas moins de 32 pages (à lire ici).
Si la plupart étaient déjà annoncées, d’autres viennent encore renforcer les politiques en matière d’égalité, à tous les niveaux. « Ce travail commence dès l’école, dès le plus jeune âge, mais il doit se faire également dans les institutions, dans les administrations, au sein de la famille, dans l’entreprise, dans les médias, les associations. Parce que les inégalités sont présentes partout, nous allons agir partout », souligne le document. Pour le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, « la politique d’égalité entre les sexes doit être un pilier du nouvau modèle français ». Inventaire non exhaustif des composantes de cette politique :
Lutte contre les violences faites aux femmes
Dans le cadre de la journée internationale du 25 novembre, la ministre Najat vallaud-Belkacem et le chef de l’Etat avaient déjà confirmé plusieurs mesures, entérinées par le Comité interministériel :
– un plan national de formation des professionnels amenés à rencontrer des femmes victimes de violences : médecins, policiers ou gendarmes, magistrats, travailleurs sociaux, enseignants…
– la généralisation dès 2013, sur tout le territoire, du dispositif de « téléphone grand danger ». Elle est actuellement en discussion avec l’Assembée des départements de France.
– un renforcement de l’offre de logements d’urgence pour les femmes victimes de violences – et des mesures d’éviction des conjoints violents -, et plus globalement le renforcement de la loi de 2010, notamment autour de l’ordonnance de protection, une procédure encore mal appliquée par la justice.
Le Comité interministériel a par ailleurs confirmé, ce qui était attendu, le lancement d’un observatoire national des violences. Il s’agira plus précisément d’une « mission interministérielle pour la lutte contre les violences faites aux femmes et la protection des victimes », qui a déjà son acronyme : la Miprof. Elle sera chargée de « réunir et publier les statistiques consolidées et les études sur les différentes formes de violences faites aux femmes (violences intrafamiliales, violences sexuelles, prostitution…) ». C’est à elle que reviendra également la charge de mettre en œuvre le plan de formation des professionnels évoqué plus haut.
A noter aussi qu’une plateforme commune d’accueil téléphonique pour les femmes victimes de violences sera créée d’ici la fin de l’année 2013. Des députés s’interrogeaient récemment sur la multiplicité des numéros existants.
Éducation, lutte contre les stéréotypes
Il s’agit de « s’attaquer aux inégalités d’habitude dès le plus jeune âge ». Là encore on connaissait depuis deux mois des pistes d’action :
– un module obligatoire « égalité femmes – hommes » dans le cadre de la formation des enseignants
– des outils de déconstruction des stéréotypes en classe. Le programme « ABCD de l’égalité » – des expérimentations « basées sur des jeux et des outils ludiques » – sera développé dans le courant de cette année scolaire et expérimenté dans cinq académies à la rentrée 2013. Il sera généralisé en 2014 s’il s’avère concluant.
Parmi les annonces faites ce vendredi, le ministère de l’Education nationale s’engage également à assurer l’égalité entre les filles et les garçons dans l’accès aux formations et aux métiers, dans le cadre du futur « service public de l’orientation ».
En matière de lutte contre les stéréotypes, et au delà de l’école, l’agence du service civique mobilisera près de 1000 jeunes sur des actions de sensibilisation à l’égard des stéréotypes de genre et d’éducation à l’égalité dans les services publics, dans le sport, dans la vie associative.
Il s’agira de « changer les représentations » dans les médias. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, prochainement réformé, verra ses pouvoirs renforcés, notamment en matière de lutte contre les stéréotypes sexistes. L’autorité de régulation de la publicité sera par ailleurs invitée à renforcer sa démarche d’auto-régulation « pour valoriser les publicités qui ne véhiculent pas une image stéréotypée et dégradante du rôle des femmes. »
Égalité professionnelle
Il s’agit notamment de favoriser l’égalité salariale et de s’attaquer au temps partiel subi. Mais aussi « d’alléger les contraintes de la vie quotidienne » pesant sur l’accès des femmes au travail. Sur ce dernier point, le Comité reprend les nouvelles modalités de la politique d’accueil de la petite enfance, précisées récemment par la ministre de la Famille.
Sur le temps partiel (la question d’un horaire minimal de travail est posée), ou « l’évolution des règles du congé parental d’éducation », les dispositions sont encore actuellement au stade des négociations entre partenaires sociaux. Des négociations qui doivent aboutir à la fin du premier trimestre 2013.
Le décret relatif aux accords d’entreprise sur l’égalité professionnelle, qui remplacera le précédent décret jugé insuffisant, sera publié dans les prochains jours. Il devrait permettre d’assurer des contrôles et des sanctions efficaces.
Le périmètre de la loi sur la place des femmes dans les conseils d’administration et des entreprises cotées sera étendu en 2013 « à tous les établissements publics industriels et commerciaux par la voie d’un plan d’action ».
Le gouvernement entend par ailleurs « repenser les incitations fiscales et sociales qui réduisent le niveau d’activité des femmes ». Un pas vers une remise en cause du quotient conjugal ?
Politiques publiques
Un Haut Conseil de l’Égalité entre les femmes et les hommes, présidé par l’ancienne députée Danielle Bousquet, va voir le jour. Il reprendra les missions de l’actuel Observatoire de la parité, mais aussi celles de la commission nationale contre les violences envers les femmes et de la commission sur l’image des femmes dans les médias. Ce Haut Conseil « aura pour mission d’animer le débat public sur la politique des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes et d’évaluer l’application des lois en matière d’égalité ».
L’égalité, déjà prise en compte par le biais des études d’impact des projets de loi, devra également être « obligatoirement » prise en compte dans la politique de la ville, « sous la forme d’un volet obligatoire ‘égalité femmes-hommes’ dans les contrats de villes ».
La parité s’invite en outre dans le monde de la culture. Comme le réclamaient des artistes en juin dernier. Le ministère de la Culture « recherchera la parité dans les nominations des dirigeants des établissements publics culturels » et une clause de « promotion de l’égalité » sera mise en place dans toutes les conventions de financement signées par le ministère. Les textes permettront également de renforcer la place des femmes dans le domaine du sport (lire : L’égalité passe aussi par le sport).