En 2013, le club Tango Bourges Basket organisait les premiers Etats Généraux du sport féminin en équipe. Une deuxième édition verra le jour du 18 au 20 janvier 2023 à Bourges. Peu de changements en 10 ans.
Petit retour en arrière
Les 16 et 17 mai 2013, la ville de Bourges accueillait divers·es acteurs et actrices du sport féminin pour débattre et trouver des solutions autour d’enjeux tels que la médiatisation, le manque de moyens financiers des clubs, le sexisme ou encore le statut professionnel des joueuses. Cette édition avait reçu un vif soutien des ministres de l’époque, Valérie Fourneyron aux Sports et Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et s’était soldée par la publication d’un livre blanc contenant 60 propositions. Celles-ci s’adressaient aux élu·es politiques, aux médias, au mouvement sportif, aux joueuses et aux entreprises car pour le développement du sport féminin, tout le monde est concerné. Il s’agit d’un sport d’équipe, « lutter contre le mépris du sport collectif féminin, c’est du sport » rappelle Pierre Fosset, ancien président du Tango Bourges Basket, dans l’édito de ce livre blanc.
Lire : Contre les inégalités femmes/hommes, frapper au porte-monnaie
Lors de ces Etats Généraux, Najat Vallaud-Belkacem avait rappelé l’importance de cet événement et de la libération de la parole afin d’obtenir des solutions et initier un changement, insistant notamment sur le fait que les médias créent un imaginaire collectif. Elle avait en même temps annoncé une mesure politique : renforcer le pouvoir du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui devait veiller à une représentation égalitaire de l’image des femmes et des hommes pour en finir avec les représentations sexistes.
Des évolutions ?
Le CSA, en partenariat avec le ministère des Sports, a lancé en 2018 l’opération « Sport Féminin Toujours » incitant les médias à « consacrer plus de retransmissions sportives, d’interviews, de portraits et de sujets d’émissions au sport féminin ». Depuis le 1er janvier 2022, le Conseil supérieur de l’audiovisuel est devenu l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et poursuit l’opération annuelle #PlusDeSportAuFéminin.
Côté médiatisation, quelques progrès ont été réalisés notamment pour les sports collectifs. De plus en plus de rencontres sont diffusées sur des chaînes comme l’Equipe 21, Sport en France ou France Télévisions (en cas de phases finales et si les droits n’ont pas été achetés par des chaînes payantes). Côté foot, un nouveau modèle financier a même été approuvé en 2021 par l’UEFA qui a signé un accord international de diffusion avec YouTube et DAZN, une plateforme de streaming dédiée au sport, permettant ainsi la diffusion de tous les matchs de la Ligue des Championnes. Une diffusion gratuite les premières années puis payante. Cependant, sur les 61 matchs qui seront diffusés en intégralité, 19 seulement pourront être vus gratuitement sur le canal YouTube de DAZN.
Enfin médiatisées… mais sur des chaînes payantes
Pour beaucoup de sports et de compétitions, ce sont donc des chaînes payantes qui diffusent les rencontres, comme ce fut par exemple encore le cas cette année lors des championnats d’Europe de handball, sur Bein Sports. Côté basket, les matchs d’EuroLeague et d’EuroCup étaient auparavant visibles gratuitement sur YouTube. Mais début octobre c’est la plateforme OTT SKWEEK qui a acquis, pour 4 ans, les droits de diffusion des matchs des deux équipes françaises, Tango Bourges Basket et Basket Landes, engagées en EuroLeague. La présidente du Tango Bourges Basket, Agnès Saint-Gès, se réjouit d’ailleurs d’une telle acquisition : « Nous sommes ravis que SKWEEK nous accompagne dans notre démarche de développement de la médiatisation du basket féminin. Jusqu’ici, le club assumait totalement à sa charge le coût de productions des matchs au standard euroleague. C’est une excellente nouvelle qu’une plateforme moderne s’intéresse au sport féminin et permette à celui-ci de gagner en visibilité et qualité. »
La multitude de chaînes payantes et plateformes de streaming permettent de diffuser des rencontres mais cela reste confidentiel et rend cette prétendue visibilité toute relative puisqu’en monétisant l’accès à ces matchs et compétitions, beaucoup de spectateur·trices n’y ont désormais plus accès. Passer de rien à du payant est-ce vraiment une avancée pour la médiatisation du sport féminin ?
Les chiffres annoncés sur le site de l’Arcom sont en légère progression mais la médiatisation des sportives encore très, très loin de l’égalité avec la médiatisation des sportifs.
Cette faible médiatisation va de pair avec la faible place des femmes aux postes de pouvoir dans les instances sportives. En début d’année, le Sénat a rejeté, dans la loi de démocratisation du sport, toute mesure qui aurait pu donner davantage de place aux femmes à la tête des instances sportives (lire : Parité rejetée dans la loi de démocratisation du sport).
Début novembre, RMC Sports publiait un article intitulé « Résultats en berne, stades désertés, problèmes structurels : le recul du football féminin français » précisant que depuis la Coupe du monde féminine organisée en France en 2019, « il ne s’est pas passé grand-chose ou pas assez » et que « la France semble être de plus en plus à la traîne par rapport aux autres championnats européens. » Rien de très réjouissant non plus de ce côté-là…
Il y a quelques semaines, le club Fleury Loiret Handball mettait la clé sous la porte. Une équipe pourtant présente en Division 1 pendant 19 saisons consécutives (2002-2022) et sacrée championne de France en 2015… En début de saison, le club avait été relégué en deuxième division et sans la subvention de la Métropole d’Orléans (100.000€) pour l’aider, celui-ci a dû être placé en liquidation judiciaire, mettant ainsi fin au handball féminin professionnel à Fleury-les-Aubrais. Les Panthères se sont battues jusqu’au bout, en vain. Une aide financière a été refusée au club féminin alors que le même jour, la Métropole octroyait une aide importante à des clubs masculins, comme le dénonce Nodjialem Myaro, présidente de la Ligue de Handball, dans un post sur le réseau social LinkedIn : « Vous auriez pu dire tout simplement OUI comme vous l’avez fait lorsque vous avez accordé, ce même jour, des subventions s’élevant à 500 000€ et 1.2K€ pour des clubs masculins. » et de conclure : « on ose dire que le sport n’est pas politique ». Le communiqué du club est à lire ici.
Dans une récente interview à Àblock!, Marion Philippe, docteure en histoire du sport et chercheuse associée à l’INA, n’est d’ailleurs pas si optimiste que ça quant à l’évolution du sport féminin sur ces dernières années : « On ne peut parler d’égalité que lorsque tout s’aligne, que ce soit d’un point de vue salarial, d’un point de vue de la professionnalisation des pratiques… Cette égalité ne pourra devenir réalité que si les politiques s’en emparent. Et les femmes aussi. » Et sur ce point, on en est encore très loin. Elle ajoute même que « certaines sportives ne haussent pas le ton car elles se jugent encore trop immatures pour revendiquer une égalité salariale » avant d’ajouter que « cette crainte de se revendiquer féministe lorsque l’on est sportive est terrifiante. Cela démontre que, si l’on veut l’égalité hommes-femmes dans les pratiques sportives olympiques, il faut que les sportives se lancent, qu’il y ait des Megan Rapinoe partout. » (lire : Football aux Etats-Unis : hommes, femmes, mêmes contrats !)
Deuxième édition
10 ans après, cette seconde édition organisée par la ville de Bourges et le magazine Les Sportives, se déroulera du 18 au 20 janvier 2023 au CREPS Centre-Val de Loire.
Des ateliers, conférences ou encore animations en présence d’invité·es du monde sportif seront au programme. Des sujets tels que l’éducation, la maternité, l’aménagement des espaces publics et la féminisation des métiers du sport seront abordés pour faire le point et amorcer de nouvelles propositions.
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