La semaine du 8 au 15 mars est devenue un véritable embouteillage de films « de femmes » au cinéma. Il faudrait une semaine de vacances (et de grève) pour les voir tous. Voici un premier tri et une question cruciale : pourquoi ne pas étaler leur sortie en salle sur toute l’année ?
On a l’embarras du choix : pas moins d’une douzaine de films débarquent en salle le 8 ou le 15 mars prochain, traitant tous de thèmes éminemment féminins ou féministes. La journée internationale des droits des femmes devient un outil marketing pour ces sorties. Le résultat est que ces films se cannibalisent les uns les autres alors qu’étalés sur plusieurs mois, ils rencontreraient plus facilement leur public.
Très attendu, Women talking est précédé de sa double nomination aux Oscars, Sarah Polley étant la seule réalisatrice parmi les dix prétendants à l’Oscar du meilleur film. Le film est supporté -au sens américain du terme- par l’actrice Frances McDormand (Fargo, Three Billboards, Nomadsland) qui a acquis les droits d’adaptation du roman de Miriam Toews et en est coproductrice. Les rôles principaux sont tenus par six femmes qui débattent de la réponse à apporter à la violence masculine dans une communauté religieuse isolée. Précisons que ce n’est pas un film historique puisque tout ceci se déroule en 2010 et que Sarah Polley est la créatrice de la mini-série Captive. Ça donne envie.
Côté français, François Ozon revient pour son film annuel avec Mon crime où Rebecca Marder et Nadia Tereszkiewicz (césarisée pour Les Amandiers) se donnent la réplique. Cette adaptation d’une pièce de théâtre qui se déroule dans les années 30 à Paris, met en valeur la sororité de ses héroïnes, de superbes costumes et décors, un casting de stars, mais au final demeure une comédie assez poussive.

Je préfèrerais attirer votre attention sur le deuxième film d’une inconnue, Béatrice Pollet : dans Toi non plus tu n’as rien vu, là aussi un duo de femmes s’entraide face à la justice, mais à cause d’un déni de grossesse… Ce sujet peu vu au cinéma est ici traité par l’angle des réponses souvent mal appropriées de la justice et des proches face à l’incompréhensible, par le refus de voir et d’entendre des paroles de femmes. Maud Wyler et Géraldine Nakache nous entraînent dans ce questionnement sur la maternité, avec un récit qui ne résout pas le mystère mais nous y plonge avec intelligence et bienveillance. Une réussite.
Maternité aussi, mais plus tranquille dans Sage Homme : un jeune aspirant médecin (Melvin Boomer) se retrouve, par dépit, dans une école de sages-femmes. Plongé dans un univers de jeunes femmes, élevé dans un univers masculin, il va apprendre la vie dans cette feel good comédie avec Karin Viard en sage-femme rock and roll.
Ce (troisième) film de Jennifer Devoldere sort le 15 mars, tout comme Houria de Mounia Meddour : une jeune danseuse algérienne agressée retrouve un sens à sa vie en enseignant la danse comme reconstruction à une communauté de femmes, elles aussi blessées par le destin. On retrouve le grand sens esthétique et du récit de Mounia Meddour dans ce film qui ressemble pourtant un peu trop au précédent, Papicha.

Julie Gayet est l’héroïne de Comme une actrice, premier film de Sébastien Bailly revisitant le thème de la femme vieillissante qui voit son mari lui échapper, une double peine lorsque cette femme est une actrice. Le traitement fantastique donne au film sa véritable originalité : les gouttes de madame Peng et les effets spéciaux sont la potion magique qui sort le film du banal drame conjugal pour célébrer la possibilité d’un amour éternel.
On peut rajouter au 8 mars, Un portrait de Mary Cassat : peindre la femme moderne documentaire d’Ali Ray, ainsi qu’un dessin-animé adulte qui semble magnifique : Nayola, trois générations de femmes dans une guerre civile qui dure depuis 25 ans en Angola. Triplé générationnel aussi pour Femme de mère en fille de Valérie Guillaudot, documentaire sur trois parcours de femmes et de mères sur plus d’un siècle, dont la réalisatrice. Autre documentaire multiprimé (Lion d’or Venise 2022, nominé aux Oscar cette année), Toute la beauté et le sang versé de Laura Poitras suit Nan Goldin, son immense œuvre de photographe et son combat contre la famille Sackler vendeurs des médicaments à base d’opiacés qui tuent des milliers de personnes aux Etats-Unis. Pas encore vu, mais j’y cours, c’est certain !

Si le cinéma ne vous suffit pas, tournez-vous vers le petit écran : sur Arte, programmation spéciale Jane Campion, cinéaste néo-zélandaise longtemps seule femme à avoir obtenu une Palme d’or à Cannes. Son portrait par Julie Bertuccelli grande réalisatrice française, a été diffusé au Festival de Cannes, nous en avions parlé, il est à voir absolument. L’occasion aussi de revoir Un ange à ma table. Enfin, sur toutes les antennes de France Télévisions, une programmation spéciale 8 mars offre un choix inépuisable de films de réalisatrices, de documentaires, de l’animation… heureusement que le replay existe.
