Notre motif de joie cannoise de ce jour est une double découverte : une nouvelle réalisatrice, Pauline Loquès et un comédien inconnu, Théodore Pellerin. « Nino », premier film présenté à la Semaine de la critique est un sérieux candidat à la Caméra d’Or.
Un premier film réussi est une joie qui vous réconcilie avec tous les moments perdus devant des films déjà vus, traitant de thèmes anodins ou de thèmes graves avec ostentation. Pour « Nino » c’est tout l’inverse. Je vous mets au défi de ne pas être au minimum intrigué.e, touché.e, puis emporté.e et ému.e, dans une proximité totale avec tous les personnages de ce film. Le sujet ? Nino, jeune parisien, fête ses 28 ans en apprenant brutalement qu’il a un cancer. Il erre trois jours dans la ville avec son secret.
La réalisatrice, Pauline Loquès, est une nouvelle venue au cinéma. Pour ses premiers pas, elle a choisi un thème qui la hante, elle qui a perdu un proche d’un cancer à 37 ans. Le film lui est dédié, il y avait donc urgence. Plutôt que de nous raconter un long parcours médical dont on ne connait pas l’issue, elle nous emmène aux côtés de Nino pendant le week-end qui suit son diagnostic et précède son traitement à l’hôpital. Comment le dire à ses proches ? Qui sera la « personne de confiance » qui voudra bien l’accompagner à l’hôpital ? Nino erre dans Paris, un peu à la manière d’un moderne « Cléo de 5 à 7 » d’Agnès Varda. Sauf que Cléo attendait un diagnostic : Nino, lui, sait, nous aussi.
Et pas les autres.
Chacune de ses rencontres prend alors un goût particulier : avec qui va-t-il partager son secret et le rendre ainsi réel ? Sa mère, son ancienne petite amie, son meilleur ami, un inconnu aux bains publics, une ancienne connaissance de lycée croisée par hasard ? Ses partenaires ont peu de scènes à jouer et sont pourtant tous intenses et justes. La cinéaste porte une douce attention aux détails du quotidien qui nourrissent la beauté de la réalité : plus on avance dans le film, plus on se rapproche de Nino. Il est interprété par Théodore Pellerin, jeune comédien québécois jusqu’alors inconnu au bataillon en France. On pourrait dire qu’il crève l’écran s’il ne s’agissait d’une histoire de vie et de mort. Pour le formuler autrement, c’est aussi le film d’une double naissance : celles d’une cinéaste et d’un acteur.
« Nino » de Pauline Loquès (fiction, France, 1h36), scénario Pauline Loquès, avec la collaboration de Maud Ameline, avec Théodore Pellerin, William Lebghil, Salomé Dewaels, Jeanne Balibar, produit par Blue Monday, distribué par Jour2Fête, Semaine de la critique Cannes 2025.
Une équipe féminine
Délicatesse, justesse, nuance, sont quelques-unes des qualités de la cinéaste Pauline Loquès. Des études de lettres et de droit l’ont conduite au journalisme. Après avoir été rédactrice pour des émissions culturelles, elle commence une formation de scénariste. Elle réalise un court métrage, « La vie de jeune fille » qui lui permet de rencontrer sa productrice Sandra Da Fonseca (Blue Monday). Comme souvent, c’est la ténacité de ce duo qui permet à un premier film de voir le jour. De plus, comme le raconte Pauline Loquès, « il se trouve que ce sont essentiellement des femmes qui ont constitué mon équipe technique. Directrice de la photo, directrice de casting, monteuse, cheffe déco, scripte, première assistante, directrice de production… Cela s’est fait naturellement, elles ont été choisies pour leur talent, leur force de travail, leur intelligence. Nino est donc aussi le fruit d’un regard féminin porté par une majorité de femmes. »