Kristen Stewart et Scarlett Johansson se sont emparées de la caméra et signent leurs premiers films, présentés à Un Certain regard. Deux oeuvres aussi différentes que leurs réalisatrices.
Kristen Stewart : « The chronology of water », un geste arty d’écorchée vive

Les adeptes des chaussures plates remercient Kristen Stewart qui, en 2018, en guise de protestation, s’était déchaussée sur le tapis rouge, finissant l’ascension talons à la main. C’est l’avantage du succès, il donne du pouvoir : Kristen Stewart a plus de 70 rôles au compteur, dont la saga « Twilight », et un César du meilleur second rôle en France aux côtés de Juliette Binoche dans « Sils Maria » d’Olivier Assayas. Ce talent précoce, sa curiosité jamais rassasiée, sont sans doute les moteurs de son passage derrière la caméra, avec « The Chronology of Water ». Elle a pourtant eu du mal à financer son premier film puisqu’elle s’est modestement refusée à jouer dedans et qu’elle a choisi un thème peu « main stream ». Elle adapte en effet les mémoires de Lidia Yuknavitch, ancienne championne de natation, alcoolique, abusée dans son enfance. Ce film kaleïdoscope se déploie par fragments et flash-backs, comme une rivière à méandres des traumatismes vécus par l’héroïne. Victime d’inceste d’un père violent, d’une mère alcoolique qui n’a pas su la protéger, multipliant les expériences sexuelles et les crises de colères, accouchant d’un bébé mort-né, Lidia se sauvera par l’écriture. Un film sur la résilience, à la forme très « arty », sincère et épuisant…
« The Chronology of water » de Kristen Stewart (Etats Unis, 2h08) Scénario d’Andy Mingo et Kristen Stewart, d’après le livre de Lidia Yuknavitch, avec Imogen Poots, Thora Birch, Jim Belushi, Tom Sturridge, Kim Gordon. Distribué par Les Films du Losange. Un Certain regard Cannes 2025.
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Scarlett Johansson nous offre « Eleanor the great » drôle et bouleversante

Américano-danoise, Scarlett Johansson a été sacrée actrice la plus rentable de tous les temps, naviguant entre cinémas grand public et indépendant (Wes Anderson, Woody Allen, Sofia Coppola mais aussi la série des « Avengers »). Elle a aujourd’hui assez de pouvoir, de notoriété et d’argent pour se permettre de réaliser un film en toute liberté à 40 ans. Or la voici sur un terrain où on ne l’attendait pas, choisissant une héroïne nonagénaire quittant Miami pour New York après la mort de sa meilleure amie rescapée de la Shoah. Ce nouveau départ débouchera sur une amitié avec une étudiante en journalisme de 19 ans. Quitter sa retraite à 95 ans pour une nouvelle vie, s’inventer un passé de survivante pour exister, ou pour rendre hommage à sa vieille amie, transmettre, vivre. Voici les libertés que peut s’offrir une très vieille dame. Le scénario, signé de l’inconnue Tory Kamen, est grandement inspiré de la vie de sa défunte grand-mère. Autre source d’inspiration, Scarlett Johansson est issue d’une famille ashkénaze polonaise du Bronx et une partie de sa famille maternelle est morte dans le Ghetto de Varsovie. « Eleanor the great » navigue entre comédie et drame avec vélocité et sincérité. Dépassant le sujet de la transmission de la Shoah, ce premier film évoque le tabou du chagrin et de la perte avec une émotion contagieuse. Une belle surprise !
« Eleanor the great » de Scarlett Johansson (Etats-Unis, 1h38) avec June Squibb, Rita Zohar, Erin Kellyman, produit par These Pictures, Pinky Promise, Maven Screen Media. Un Certain regard Cannes 2025.