Une coalition d’expert.es et d’organisations de la société civile réclame une budgétisation sensible au genre au niveau européen. Jusqu’à présent la Commission européenne n’a pas intégré une approche genrée du budget de l’UE, alors même qu’elle s’y était engagée.

L’Union européenne peut-elle, en repensant son budget au prisme du genre, combler les inégalités entre les femmes et les hommes ? C’est en tout cas ce que réclame une coalition d’expert.es et des organisations de la société civile dans une pétition visant à instaurer une budgétisation sensible au genre à l’échelle européenne.
La budgétisation sensible au genre consiste à « se demander si la collecte et la distribution de ressources financières renforcent ou diminuent les inégalités entre les sexes », comme l’a défini le centre Hubertine Auclert, dans un guide pratique publié en 2023.
La Commission européenne n’a pas respecté ses engagements
L’Union européenne est, depuis longtemps, engagée pour l’égalité entre les femmes et les hommes. L’article 8 du traité sur le fonctionnement de l’UE indique que « dans toutes ses actions, l’Union cherche à éliminer les inégalités et à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes. ». Or, dans un rapport, la Cour des comptes européenne de 2021 relève que « la Commission n’a pas encore respecté son engagement en faveur de l’intégration de la dimension de genre dans le budget de l’UE », rappelle la pétition.
Jusqu’à présent la question du genre n’a pas été pleinement intégrée lors de l’élaboration du budget. La Cour des compte rapporte que « le cycle budgétaire de l’UE n’a pas suffisamment pris en compte l’égalité entre les femmes et les hommes, il n’a accordé que peu d’attention à l’analyse des politiques et des programmes examinés sous l’angle de l’égalité entre les femmes et les hommes et, il n’a fait qu’un usage limité des données et des indicateurs ventilés par sexe et n’a publié que peu d’informations sur l’impact global du budget de l’UE sur l’égalité des sexes ».
La budgétisation sensible au genre pour combler le coût des inégalités
Selon les signataires de la pétition, la Budgétisation sensible au genre permettrait de réduire les inégalités structurelles auxquelles les femmes sont encore confrontées, et ce dans tous les pays de l’Union européenne : espaces publics inadaptés et hostiles à la présence des femmes, infrastructures sportives où les femmes ne s’aventurent pas, ou trop peu, ou encore des équipes féminines sous financées dans les clubs sportifs. Il est nécessaire d’examiner les dépenses publiques au prisme du genre pour parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Les expert.es et organisations de la société civile, signataires de la pétition, réclament que le prochain cadre financier pluriannuel (CFP), plan budgétaire lancé en 2020 et renouvelé tous les sept ans, garantisse que l’ensemble des « programmes de dépenses […] promeuvent et protègent les droits et l’égalité des chances pour tous, y compris l’égalité entre les femmes et les hommes ». C’est d’ailleurs l’initiative portée par le Parlement européen. La pétition rappelle que l’institution « se félicite de l’élaboration d’une méthodologie permettant le suivi des dépenses fondées sur le genre, de leur mise en œuvre, de leur impact et de la charge administrative » et insiste pour que la Commission étudie « la faisabilité d’une budgétisation fondée sur le genre dans le prochain CFP ». 93% des moyens alloués par le CFP concernent « des dépenses d’investissement (soit des dépenses faites pour financer les politiques à destination des régions, des villes, des entreprises, des universités ou encore des agriculteurs…) », indique le site touteleurope.eu et précise que « les 7 % restants sont alloués aux dépenses de fonctionnement, soit l’activité de l’administration européenne ».
La réduction des inégalités pourrait accroître le PIB de l’UE de 9,6 %
Une application de la budgétisation sensible au genre à l’échelle européenne pourrait alors véritablement changer la donne, et pas seulement pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Les inégalités coûtent de l’argent. « L’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes a récemment constaté que la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes pourrait accroître le PIB de l’UE de 9,6 % d’ici à 2050, ce qui constitue un argument économique de poids en faveur de l’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire », signale la pétition. Pour en finir avec le coût du patriarcat, les signataires appellent les institutions européennes à tenir leurs engagements.
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