La France se targue de la générosité de son aide publique au développement, mais les faits sont moins reluisants. Un rapport sénatorial vient corroborer les critiques des ONG : si la France semble généreuse, c’est « grâce à un thermomètre faussé ». Au détriment de son influence.
En 2010, l’Aide publique au développement (APD) fournie par la France a atteint un record « historique », Paris respectant ainsi ses engagements internationaux. C’est cette version positive que laissent apparaître les chiffres officiels. Une version contestée par les ONG de solidarité internationale, qui soulèvent plusieurs points critiques dans les détails.
Une mission parlementaire, conduite par les sénateurs Christian Cambon (UMP) et André Vantomme (PS), vient de dresser le bilan de l’aide française au développement ces dernières années. Son rapport (ici en PDF), à l’instar des ONG, constate « un fossé croissant entre les ambitions et les moyens ».
Perte d’influence
Il ne s’agit pas seulement de déplorer un manque de générosité, soulignent les sénateurs. Moins de soutien effectif dans les pays en développement, cela implique une influence moindre sur la scène internationale. « Dans les pays supposés prioritaires de notre coopération, la France est souvent loin derrière des pays comme le Canada ou le Danemark », regrettent les auteurs du rapport. Paris s’est ainsi détourné, en Asie, de pays francophones comme le Laos ou le Cambodge. Et « la France n’est plus, loin s’en faut, ni le seul, ni le premier bailleur de fonds d’une Afrique francophone courtisée aussi bien par les autres membres de l’OCDE que par les pays émergents ». Conséquence géopolitique plus concrète encore : « la France ne peut pas assurer une présence de premier plan au Sahel et contribuer à stabiliser ces pays. »
« La France, 3e bailleur de fonds mondial de l’aide au développement, est un des principaux soutiens » aux pays les moins avancés, les PMA. C’est ce dont se félicite le ministère des Affaires étrangères, alors que se tient les 9 et 10 mai à Istanbul la 4e Conférence des Nations unies consacrée à ces pays.
Les sénateurs sont moins louangeurs dans leurs rapport : si l’AFD française est officiellement l’une des plus importantes au monde, c’est « grâce à un thermomètre largement faussé », écrivent-ils.
Pseudo-crédits
Car une grande partie du volume total de l’aide ne concerne pas, en fait, des projets de développement concrets. Au total, l’APD « réelle » ne représentait qu’environ 57 % de des 9 milliards d’euros d’aide au développement affichés en 2009.
Le rapport souligne en effet le « rôle essentiel de la comptabilisation des annulations de dettes », qui représentent entre 10 et 30 % de l’APD française selon les années. Au titre de l’APD française, on retrouve également « des crédits qui ont un rapport lointain avec une aide de terrain effective, telle que, par exemple, la prise en charge du coût des étudiants et des réfugiés étrangers en France ou des dépenses pour Mayotte. » Les députés estiment que ces pseudo-crédits de développement ne représentent pas moins de 18% de l’APD déclarée par la France.
Quand à l’aide française globale à l’Afrique, elle est en recul. C’est le cas, tout particulièrement, de l’aide aux pays les moins avancés : « les montants effectivement disponibles pour les 14 pays prioritaires sont de plus en plus limités. » Entre 2004 et 2009, la part de l’Afrique subsaharienne dans l’aide bilatérale française est passée de 53,2 % à 47,7 % ; la part des pays les moins avancés est tombée de 41 % à 17 %. » La faute, principalement, au développement des prêts dans le volume de l’APD. Des prêts qui ne bénéficient pas à ces pays pauvres, dont la solvabilité inquiète. « Ainsi l’Afrique du Sud a cumulé 1,1 milliard d’engagements de 2005 à 2009, soit près de dix fois plus que le Mali ou Madagascar. »
Pour 2015, promesse intenable
Autant dire que le prochain palier que la France s’est engagée à atteindre – une part de 0,7% en 2015 – « paraît peu vraisemblable au regard de la situation des finances publiques. » D’ailleurs, le rapport relève que dans son nouveau contrat d’objectifs et de moyens, l’Agence française de développement, pilote de l’APD, ne reprend pas cet engagement de 0,7%. « L’abandon de cette référence signifie-t-il l’abandon de cet objectif ? » s’interrogent les sénateurs. Tout en notant que le respect de cet engagement n’est pourtant pas impossible : d’autres pays, comme la Grande-Bretagne, « ont sanctuarisé le budget de la coopération et se sont engagés, depuis plusieurs années, sur une feuille de route budgétaire qui devrait notamment leur permettre d’atteindre les 0,7 % en 2015. »