
Après une première vie de physicienne de haut rang, Vandana Shiva est devenue depuis trente ans une militante écologiste sur tous les fronts. En dénonçant les risques du nucléaire, en défendant les forêts, les fleuves himalayens, les petits paysans… Aujourd’hui, elle se bat plus particulièrement pour les droits des fermiers et la souveraineté alimentaire, à la tête de la Commission internationale pour l’avenir de l’alimentation et de l’agriculture.
Elle dénonce le modèle d’agriculture industrielle, qui repose sur les produits chimiques, sur les énergies fossiles et sur les systèmes alimentaires globalisés, et prône à l’inverse une agriculture écologique et paysanne, au plus près des peuples. Un modèle sobre en gaz à effet de serre, et qui permet de répondre dans le même temps à la crise sanitaire mondiale, « une crise qui fait que dans le même temps un milliard de personnes ont faim, et deux milliards d’autres sont trop gros ».
En scientifique, elle ne remet pas en cause dans son ensemble le progrès technologique : « une technologie écologique et sociale fait partie des solutions. Mais une technologie qui raisonne en terme de profit est une partie du problème, et doit être rejetée. »
A Copenhague, elle vient s’attaquer notamment à l’expansion des OGM qui enchaînent financièrement les cultivateurs et détruisent la biodiversité. Pour contrer le brevetage des semences, cette commercialisation du vivant, elle propose avec l’association indienne Nadanya une banque de graines qui soutient un demi-million de fermiers dans le pays. Une forme de désobéissance civile dans la lignée de Gandhi qu’elle cite fréquemment, et prend toujours en exemple.
La « fraude » de la COP-15
Elle s’insurge contre le pouvoir donné aux institutions internationales, Banque Mondiale et FMI, aux dépens de l’ONU.
Elle fustige les principes de mécanismes de compensation, lesquels enrichissent les multinationales, « qui font de l’argent en polluant, puis de l’argent grâce à la fraude que représente le marché du carbone. »
Elle voit dans l’arrogance des pays riches, au sein de la COP-15, une menace contre la démocratie internationale. Des pays et leurs entreprises qui à ses yeux, cherchent « de nouveaux moyens, au nom du climat, de faire plus d’argent ». Cela vaut, à ses yeux, pour les pays occidentaux mais aussi pour l’Inde et la Chine, qui sont « manipulés ».
« Démocratie mutante »
Alors, Vandana Shiva en appelle encore à Gandhi et sa Satyagraha, « l’expérience de vérité » qui engendre la désobéissance, la non-coopération. C’est ce qu’elle attend de la part des peuples, mais aussi des représentants des pays d’Afrique, des Andes, des petites îles, ou de l’Himalaya dans les discussions de la COP-15. Ils doivent claquer la porte s’il le faut : « J’espère que certains pays auront le courage de dire non à l’injustice et au mensonge ». « Car ils n’ont rien à perdre ».
Au fond, c’est un modèle de société que Vandana Shiva veut transformer. Celui de la société occidentale actuelle, fondée sur le profit. Elle appelle à un « changement culturel », pour passer d’un système centré sur « l’extraction » des ressources terrestres et des ressources des peuples, à un système qui prennent d’abord en compte la terre et les peuples ; ce qu’elle appelle une « démocratie de la terre ».