La lutte des Anglaises pour le droit de vote au début du XXème siècle est une période de l’histoire anglaise qui méritait d’être racontée en film. Classique, historique et nécessaire, encore plus en ce moment. Par Valérie Ganne.
L’Angleterre n’a pas que James Bond pour héros : une semaine après la sortie très médiatique de 007 Spectre dans les salles de cinéma, apparaissent d’autres héroïnes. Elles se battent sans armes sophistiquées autres que leur détermination pour une cause simple : le droit de vote. Et ce qui frappe c’est la dureté de leur lutte, il y a un siècle, une époque où la simple évocation du vote des femmes annonçait la « fin de la structure sociale » du pays. Ce sujet en or n’avait jamais encore été traité au cinéma, et si ces Suffragettes existent c’est grâce à la ténacité de la réalisatrice Sarah Gavron (connue depuis Brick Lane), de la scénariste Abi Morgan (le film La Dame de fer, la série The Hours) qui portait le projet depuis des années, et de deux productrices, Alison Owen et Faye Ward.
Pour incarner ces Suffragettes, le film choisit d’abord pour héroïne une ouvrière blanchisseuse qui travaille depuis ses 7 ans dans l’usine où elle est quasiment née (Carey Mulligan). Les femmes qui vont l’entrainer dans la lutte sont inspirées de personnages réels, comme leur dirigeante vivant dans la clandestinité, Emmeline Pankhurst, incarnée par Meryl Streep qui dans la vie n’a pas sa langue dans sa poche quand il s’agit des droits des femmes à Hollywood. D’autres militantes du film sont inspirées d’Edith Garrud, petite pharmacienne qui a enseigné le Ju Jitsu aux suffragettes pour les aider à se défendre contre la police (Helena Bonham Carter), ou d’Emily Wilding Davison, mortellement blessée par le cheval du roi lors d’un derby et qui a donné au mouvement sa martyre.
« Plutôt être rebelle qu’esclave » était l’un de leurs slogans quand elles passent dans la clandestinité : désobéissance civile, explosion de boîtes aux lettres, grèves de la faim… il y a une réelle disproportion entre leurs attentats jamais meurtriers et les peines endurées en prison. Elles gagneront le droit de vote après la Première Guerre mondiale, quand les Françaises attendront la fin de la Seconde.
Début octobre, à la présentation des Suffragettes au festival du film de Londres avant sa sortie en salles en Angleterre, quelques féministes ont escaladé les barrières pour s’allonger sur le tapis rouge en scandant « dead women can’t vote » : cette fois non pas pour le droit de vote mais contre les violences faites aux femmes.
Les Suffragettes de Sarah Gavron (Grande Bretagne, 1h26), scénario d’Abi Morgan, avec Carey Mulligan, Meryl Streep, Helena Boham Carter. Produit par Ruby Films et Pathé, distribué par Pathé, en salles le 18 novembre.