Dans un amendement au projet de loi sur le numérique, la Délégation aux Droits des Femmes entend supprimer le crédit d’impôt pour les jeux vidéo « comportant des représentations dégradantes à l’encontre des femmes ».
L’Etat peut-il continuer à financer des jeux vidéo sexistes ? Cette question, déjà posée par des députées fin 2015, se concrétise. Elle revient sous la forme d’un amendement au projet de loi « République numérique », qui sera examiné à partir du 19 janvier à l’Assemblée nationale.
Plus concrètement, il s’agit « de préciser que les jeux vidéo comportant des représentations dégradantes à l’encontre des femmes n’ouvrent pas droit au bénéfice du crédit d’impôt jeu vidéo ». Jusqu’ici, la non-attribution du crédit d’impôt jeu vidéo (CIJV) était limitée aux cas de pornographie ou de très grande violence, « susceptible de nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des utilisateurs ». Mais pas en cas de sexisme. Actuellement les éditeurs de jeux vidéo peuvent donc bénéficier d’un crédit d’impôt alloué par l’Etat s’ils contribuent « au développement et à la diversité de la création française et européenne ». Le CIJV équivaut à 20% des dépenses éligibles (plafonné à 3 millions d’euros par entreprise et par exercice).
Un financement public qui passe mal. La Délégation aux Droits des femmes demande d’ailleurs dans son amendement que « la lutte contre le contenu sexiste de certains jeux vidéo, régulièrement dénoncé par des joueuses qui, loin des clichés, représentent en France près d’un-e joueur-se sur deux » soit « un objectif fort des politiques publiques ». Que les finances publiques ne servent pas à alimenter les stéréotypes, c’était l’axe central d’un rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, fin 2014.
Cet amendement fait suite au rapport d’information sur le projet de loi numérique, publié en décembre par la présidente de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, Catherine Coutelle. Elle y recommandait de « lutter contre le sexisme dans les jeux vidéo, par une modification des conditions d’éligibilité au crédit d’impôt jeu vidéo (CIJV), pour prendre en compte la présence de contenus sexistes, ou par la création d’un label ». Les députées avaient également proposé dans leurs questions écrites la création d’un label indiquant « si une œuvre participe, ou non, à la reproduction des stéréotypes de genre », s’inspirant de travaux suédois. Cette proposition ne figure plus dans l’actuel amendement au projet de loi.
Quels critères définiraient les « représentations dégradantes à l’encontre des femmes » ? Interrogée par Les Nouvelles NEWS, Catherine Coutelle évoque « l’absence totale de femmes ou encore des images de femmes très sexuées ». Et d’ajouter : « Il y a peu d’avatar femmes auxquels on peut s’identifier. Et quand elles sont présentes, les femmes sont définies par leurs attributs sexuels : gros seins, grosses fesses. Mais ce sera au décret d’application de les définir ». Si l’amendement est adopté, le gouvernement promulguera un décret d’application présentant les critères de ces représentations dégradantes. Concernant la « très grande violence » par exemple, le crédit d’impôt ne peut être attribué à un éditeur si « la violence présente un caractère disproportionné et gratuit (…), un caractère cru et détaillé dans un environnement visuellement réaliste », ou encore « si la violence est encouragée, ne peut être contournée ».
Mais rien n’est encore fait. Comme le confirme Catherine Coutelle, l’amendement « n’a pas été repris par le groupe socialiste », et Axelle Lemaire, pourtant revendiquée féministe, n’a pas évoqué la question dans son projet de loi. « On verra ce que dit le gouvernement quand je re-déposerai l’amendement en séance », conclut la présidente de la Délégation aux Droits des Femmes
 
 

