Pas de lien de cause à effet entre les deux éléments de ce titre. Mais le procès du Carlton, duquel Dominique Strauss-Kahn est ressorti blanchi, a alimenté les discours des députés, avant qu’ils adoptent en deuxième lecture le texte de loi contre le système prostitutionnel.
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Télescopage ironique. L’Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture, vendredi 12 juin, la proposition de loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel », qui prévoit entre autres de pénaliser (ou « responsabiliser ») les clients. Et le même jour Dominique Strauss-Kahn était relaxé dans le procès ‘du Carlton’ à Lille.
Cette dernière issue était attendue ; le procureur avait réclamé en février la relaxe « pure et simple » pour l’ex-directeur du FMI. Poursuivi pour « proxénétisme aggravé », Dominique Strauss-Kahn n’a pas été condamné, parce que son comportement, soulignent les juges ce 12 juin, était « un comportement de client, non répréhensible par la loi pénale. »
Evidemment, le procès du Carlton n’a pas manqué d’être évoqué à l’Assemblée nationale dès les premières minutes de discussion du texte de loi sur la prostitution, qui prévoit justement de mettre les clients face à leurs responsabilités. Pas par la voie pénale, d’ailleurs, mais avec la création d’une infraction de recours à la prostitution.
Les rapporteurs du texte Maud Olivier (PS) et Guy Geoffroy (Les Républicains), en ouvrant les débats dans l’hémicycle, ont ainsi rappelé les témoignages de prostituées entendues au tribunal de Lille. « Celles que l’on appelle escort ou prostituées de luxe ont expliqué que la réalité de leur activité n’était pas différente de celle des autres personnes prostituées : la violence des clients, le frigo vide à remplir », soulignait Maud Olivier.
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« L’image de la ‘fille de joie’ a pris du plomb dans l’aile et le client de la prostitution est désormais reconnu comme un acteur à part entière du système »
Et Guy Geoffroy de se féliciter que les débats autour de la prostitution, et ce procès en particulier, aient fait évoluer les discours dans les médias. Eux qui « il y a quelques années encore, considéraient que ceux qui voulaient se battre contre la prostitution était au mieux de doux rêveurs sympathiques et au pire de vieux moralistes poussiéreux ».
Pour Maud Olivier, « ce texte a mis du temps pour revenir devant nous, mais cela aura permis une prise de conscience des réalités de la prostitution par notre société. L’image de la ‘fille de joie’ a pris du plomb dans l’aile et le client de la prostitution est désormais reconnu comme un acteur à part entière du système ».
Prise de conscience ? Depuis un an et demi de parcours législatif pour cette proposition de loi, depuis même le rapport de Guy Geoffroy et Danielle Bousquet au printemps 2011, qui a largement inspiré le texte adopté par les députés, les positions des ‘pour’ et des ‘contre’ la pénalisation des clients n’ont pas vraiment évolué.
Certes, le retentissement du procès du Carlton avait poussé le Sénat à finalement inscrire à son ordre du jour la proposition de loi, alors qu’il était bien parti pour l’enterrer (Voir : La loi sur la prostitution enfin à l’agenda du Sénat). Mais cela n’a pas empêché les sénateurs de choisir de maintenir le statu quo, en rejetant l’article sur la pénalisation des clients, et en conservant celui qui punit les prostituées (Voir : Au Sénat, clients de prostituées absous, délit de racolage maintenu).
Même si le Sénat aura encore son mot à dire en examinant à son tour le texte en deuxième lecture, ce vote des députés est « probablement décisif », estime Guy Geoffroy. Car c’est au final l’Assemblée nationale qui a le dernier mot en cas de désaccord.