Trois militantes se sont livrées à la police en indiquant avoir acheté illégalement des pilules pour aider des femmes à avorter. Elles risquent la prison à vie mais entendent bien faire bouger une loi anti-IVG qui « viole les droits des femmes » en Irlande du Nord.
Elles veulent changer une loi anti-avortement « archaïque », quitte à être emprisonnées pour le restant de leur vie. Trois militantes de l’association Alliance for choice se sont livrées lundi 23 mai à la police de Derry, la deuxième plus grande ville d’Irlande du Nord. Kitty O’Karine, 69 ans, Colette Devlin, 68 et Diana King, 71, ont indiqué à la police qu’elles avaient commandé à plusieurs reprises des pilules abortives en ligne pour les distribuer à des femmes qui en désiraient. Un acte illégal en Irlande du Nord, passible d’une peine de prison à vie, selon une loi datant de 1861.
« Nous savons qu’aller en prison est une possibilité », a déclaré Diana King à la presse locale. La militante soutiendra qu’elle n’a pas commis d’infraction car les pilules abortives ne sont pas des « substances toxiques » mais « des médicaments essentiels selon l’Organisation mondiale de la santé ».
« Nous avons une loi pour les riches et une loi pour les pauvres »
L’avortement reste illégal en Irlande du Nord – contrairement au reste du Royaume-Uni – sauf en cas d’extrême danger pour la mère. Les femmes aisées peuvent se déplacer en Grande-Bretagne pour avorter légalement, mais les plus pauvres sont condamnées à enfreindre la loi ou à mener leur grossesse à terme. « Nous nous sentons très en colère », ont déclaré les trois militantes en sortant du commissariat. « Nous avons une loi pour les riches et une loi pour les pauvres (…) Je ne veux pas croire que nos politiciens vont laisser cela continuer, mais je crains qu’ils le fassent, c’est donc à nous de mener ce combat », a déclaré Diana King.
Le 28 octobre 2014, cette ancienne travailleuse sociale avait déjà signé une lettre ouverte, avec plus de 200 personnes, dans laquelle elle déclarait avoir acheté pour elle-même ou pour d’autres des pilules abortives. Malgré cette annonce, aucun.e des 200 militant.e.s n’avait été arrêté.e, par peur de l’écho médiatique notamment à l’international. Dans des cercles plus privés, des femmes sont pourtant bien arrêtées.
Une jeune femme de 21 ans a été condamnée en avril à 3 mois de prison avec sursis pour s’être procuré des pilules abortives en vue d’une fausse couche. Un procès est actuellement en cours concernant cette fois une mère qui aurait acheté des pilules abortives pour aider sa fille à avorter. Elle risque donc la prison à vie. Deux procès qui ont déclenché cette action de Diana King et de ses consœurs contre une loi « qui persécute les femmes ».
Espoirs douchés aux élections régionales
En décembre 2015 pourtant, la Haute Cour de justice, saisie par la Commission nord-irlandaise des droits de l’Homme (NIHRC), estimait que la loi sur l’avortement violait les droits des femmes « par l’interdiction généralisée d’avortement en cas de malformation du fœtus ou de grossesses résultant de crimes sexuels ». Malgré cette alerte, l’Assemblée nord-irlandaise avait rejeté une libéralisation de l’avortement.
Au début du mois de mai, le droit à l’avortement avait trouvé sa place dans le débat des élections régionales. Le vice-premier ministre d’Irlande du Nord, Martin McGuinness, du parti catholique Sinn Féin, deuxième force du pays, s’était positionné en faveur du droit à l’avortement en cas de viol, inceste ou malformation du fœtus. « Je ne veux pas vivre dans un endroit arriéré », avait-il déclaré, déclenchant la colère des évêques catholiques qui appelaient à ne pas voter pour les partis favorables à une réforme de la loi sur l’avortement.
Mais les espoirs que la législation change ont été douchés par les résultats des régionales. Finalement, le Parlement de Belfast conserve la même configuration : le parti du Premier ministre Arlene Forster, les unionistes du DUP, ont obtenu 38 sièges, contre 28 pour les républicains du Sinn Féin – un siège de moins qu’en 2011. Pas de véritable changement non plus du côté des autres partis. Pas de quoi croire, donc, en une possible évolution.
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