Pour prendre un peu d’air frais du côté de la Quinzaine des cinéastes, rien ne vaut une Rom Com sur fond d’éco-anxiété. « Amour Apocalypse », sixième film de la québécoise Anne Émond, est un film « bon bizarre » comme son héros, Adam.

C’est une histoire née de la découverte de la luminothérapie par une réalisatrice en pleine crise de dépression éco-anxieuse pendant la Covid. Elle en a tiré un récit à la fois drôle et puissant sur la rencontre d’un propriétaire de chenil, Adam, avec Tina femme à la voix douce et au rire lumineux. Ils approchent tous deux la cinquantaine. Il est profondément bon et généreux mais aussi très éco-anxieux. Elle a son travail, sa vie, son mari, ses deux filles et elle habite loin de lui. Il tombe amoureux de sa voix avant de la rencontrer. Tous les éléments d’une bonne comédie romantique sont rassemblés, il suffit de se laisser porter. « Amour Apocalypse » a d’autres points forts : le climat général d’éco-anxiété se transforme vite en fin du monde, ce qui rend d’autant plus urgente leur histoire d’amour. S’ils vont mieux, le monde ira mieux ! Adam, qualifié de « bon bizarre » par ceux qui le croisent, est un homme respectueux et déconstruit dans son rapport aux femmes. Ce qui donne lieu à la plus belle scène de « non-sexe » vue depuis longtemps au cinéma québécois. Et enfin, cerise sur le gâteau, « Amour Apocalypse » nous offre une réflexion plus profonde sur le monde d’aujourd’hui. C’est un film « doucement, drôlement, ludiquement politique » comme le résume sa réalisatrice.
« Amour Apocalypse » (« Peak Everything ») de Anne Émond (Canada, 1h40), avec Patrick Hivon, Piper Perabo, Gilles Renaud. Produit par Meta Films. Distribué par L’atelier Distribution. Quinzaine des Cinéastes 2025
Quatre questions à Anne Émond
C’est son sixième long métrage et sa première sélection à Cannes, à la Quinzaine des cinéastes. Elle a peu dormi depuis la présentation de son film la veille et navigue sur un petit nuage.
C’est votre premier festival de Cannes, comment vous le vivez-vous ?
Anne Émond : « Quand on m’a annoncé ma sélection à la Quinzaine j’ai eu un sentiment de joie, c’était inespéré après tant de films et de travail. Mais ensuite, j’ai ressenti aussi de l’angoisse. Quelle exposition ! Quel risque ! Il y a quinze ans mon premier film, « Nuit#1 » avait failli être choisi pour une sélection cannoise. Au dernier moment j’ai été écartée au profit d’un vieux réalisateur pas très intéressant. Aujourd’hui mon premier film aurait sans doute été sélectionné. Je n’ai ni regret ni haine, mais je me réjouis que les choses changent.«
Vous êtes québécoise. Les féministes étaient bien en avance sur les françaises au Québec…
AE : « Mes tantes, ma mère, étaient toutes féministes dans les années 80. Mais ma génération (j’ai 43 ans) ne se disait pas féministe. C’était un mot repoussoir, ringard. Au début de ma carrière de réalisatrice je ne pensais pas que la parité du financement des films devait être obligatoire. Pour moi ça devait être au mérite. C’était complètement naïf, dans un monde mené par le patriarcat. J’ai changé d’idée ! Il n’y a que les folles qui ne changent pas d’avis.«
Vous avez souhaité dès le début réaliser une comédie romantique pour le grand public ?
AE : « Ces 15 dernières années je ne trouvais plus de sens à ce que je faisais, c’est à dire réaliser des films. Je me suis guérie avec l’écriture de ce scénario. Dès le début j’ai voulu un film pop, absurde, romantique, plein de choses qui font du bien. J’ai déjà reçu beaucoup de messages très beaux de spectateurs. Dans le débat hier, un homme de 70 ans a pris la parole pour dire qu’il s’était reconnu dans le héros. Il a répété, très ému : « la sensibilité n’a pas de genre ni d’âge ». Il n’y a pas de honte à faire un film grand public, le cinéma est un moyen de communication. Dans les prochaines années, on va vers d’énormes changements de société, les artistes vont avoir une mission importante. Dans nos films il faut aborder ces sujets, nos solutions et mêmes nos traumas. »
Après dix courts métrages et six longs, avez-vous aujourd’hui davantage de liberté et de confiance ?
AE : « Pas du tout ! Je suis toujours profondément insecure. C’est malheureux mais c’est comme ça et ça m’appartient. Chacun de mes films est mon premier film. »