28 personnes sont renvoyées devant le tribunal correctionnel de Paris pour cyberharcèlement aggravé à l’encontre de la femme d’affaires et patronne de l’agence d’influenceurs Shauna Events, Magali Berdah. Récit d’un clavaire.
C’est un procès qui va s’étaler sur plusieurs mois, avec presque trente personnes entendues par la justice : ce lundi 27 novembre s’est ouvert le procès des cyberharceleurs de la directrice de l’agence Shauna Events, Magali Berdah. Dans ce premier volet du procès, 13 personnes ont été entendues en début de semaine, avant que l’audience ne reprenne début décembre, et que 15 autres internautes ne soient jugées mi-décembre et fin janvier.
Le cyberharcèlement massif vécu par Magali Berdah date de 2022 : à l’époque, le rappeur Booba se lance dans une campagne sur les réseaux sociaux contre ceux qu’il appelle les « influvoleurs » : en clair, des influenceurs issus de la télé-réalité qui auraient arnaqué leurs abonnés avec des produits bas-de-gamme, des paris sportifs ou des montages financiers. Cette campagne s’est transformée en croisade contre Magali Berdah, femme d’affaires à la tête de l’une des plus grosses agences d’influenceurs, et qui est devenu le symbole et le visage de ces « influvoleurs ».
Comme l’explique Magali Berdah, pendant près de six mois, elle recevra des dizaines de milliers de messages, des insultes misogynes aux messages de mort et de viol, ainsi que de nombreux messages antisémites. Selon son avocate, Maître Rachel-Flore Pardo, « C’est la plus grosse affaire de cyberharcèlement qu’a eu à connaître la justice française ». Pourtant, ce lundi, parmi les 13 personnes accusées, la moitié ne se sont pas présentées au tribunal.
« Le seul moyen que vous avez pour que ça s’arrête, c’est de mourir »
Les premiers jours de procès ont été l’occasion pour Magali Berdah de raconter les longs mois du printemps à l’automne 2022, des conséquences psychologiques des cyberviolences qu’elle a vécues. « Le seul moyen que vous avez pour que ça s’arrête, c’est de mourir » a-t-elle raconté en évoquant ses pensées suicidaires. Elle a dû déménager plusieurs fois suite quand son adresse personnelle a été publiée, une fausse sex-tape a été diffusée, et une de ses filles a dû être déscolarisée tant les attaques étaient violentes et certaines menaces prises au sérieux. Ce procès, Magali Berdah en attend beaucoup. « J’espère que ce procès va beaucoup apporter aux victimes de cyberharcèlement et montrer qu’on ne peut pas rester impuni devant un écran et faire comme si c’était un autre monde », a-t-elle déclaré au micro de BFMTV.
« Dommage que Hitler ne s’est pas occupé de tes grands-parents », « On va te brûler », « Va mourir salope », « Je vais t’violer salope » ou encore « On va te finir grosse pute » : voilà le genre de messages qu’a reçu Magali Berdah tous les jours pendant des mois. Parmi les accusés de ce premier volet du procès, les profils sont variés : une majorité d’hommes, entre 20 et 49 ans, aux professions variées. Tous comparaissent pour cyberharcèlement, avec parfois circonstances aggravantes, où la sanction peut aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 d’amende. Pour quatre prévenus, une autre circonstance aggravante, celle de « l’appartenance vraie ou supposée à une religion » a été retenue, en raison de messages antisémites. En plus du cyberharcèlement, une dizaine de personnes comparaissent pour menaces de mort ou de crime. « Se faire menacer d’être décapitée et violée, cela ne fait partie d’aucun métier » a-t-elle déclaré aux journalistes présents.
L’ombre de Booba plane sur le procès
Si 28 personnes se relaieront sur le banc des accusés, il y a un absent dont le nom est sur toutes les lèvres : celui de Booba, le rappeur à l’origine de la grande « lutte » contre les influvoleurs. Celui-ci a multiplié les appels à sa communauté sur les réseaux sociaux visant Magali Berdah. Son ombre plane et continuera à planer lors de ces projets. « On peut s’interroger, se demander s’il aurait fallu que Booba soit là ou pas. Le fait est qu’il n’est pas là. D’une certaine façon, c’est aussi une manière de montrer la responsabilité de chacun dans un processus de cyberharcèlement en meute. Bien sûr, il y a celui qui initie, qui lance le mouvement. Mais sans tous ceux qui contribuent, finalement, il n’y a pas d’effet boule de neige » a expliqué l’une des avocates, Me Rachel-Flore Pardo.
A la barre, Magali Berdah a expliqué l’implication du rappeur dans son cyberharcèlement : « Un jour, il a relayé un lien vers un groupe Telegram où les gens demandaient ma décapitation et que je sois brûlée vive, avec mon adresse », avant d’ajouter « J’aurais préféré qu’il me tabasse une fois et que je sois tranquille » plutôt que de subir des attaques quotidiennes pendant des mois. Booba, quant à lui, a été mis en examen début octobre pour le cyberharcèlement de Magali Berdah. Mais dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, ce dernier ne semblait pas très inquiet : « Comme vous le voyez je suis en liberté, tout va bien. La piraterie n’est jamais finie ».