Un fanzine depuis 10 ans, un site internet depuis 2009, des soirées en nombre… et une expo pour fêter ce dixième anniversaire. Retour sur « la plus longue relation que les gouines aient jamais connu ».
« Beaucoup de soirées, beaucoup de surprises, beaucoup de travail, de stress, mais surtout beaucoup de choses merveilleuses ». Dix ans déjà qu’une chargée de com’, deux journalistes et une graphiste ont décidé de faire souffler un vent de nouveauté sur la presse spécialisée lesbienne. Ce sera un fanzine. Inspiré par les publications gratuites du mouvement Riot grrrrls, Barbi(e)turix se lance à l’assaut de la photocopieuse et met à contribution photographes, graphistes et artistes en tous genres. Des contributeurs qui s’exposent en ce moment au Point Éphémère, dans une exposition formidable, qui « parle aux gouines mais pas que ».
Jeudi 10 avril, vernissage de l’exposition. On s’interpelle, on s’embrasse, on est ici en famille. Melissa 24 ans, s’est pourtant retrouvée ici sans connaître le collectif, ce qui ne l’empêche pas de saluer la qualité du travail artistique effectué. Devant les photos, se presse une foule bigarrée et gentiment branchouille.
« Ça a tout de suite marché »
« Ça fait six mois qu’on bosse dessus », confie Rag, membre du collectif, DJ et organisatrice de soirée. Ce sont les soirées, justement, qui financent le fanzine depuis 10 ans. « Barbie tu mixes », balance Rag, façon slam, entre deux gorgées de café. Plusieurs soirées lancées par le collectif ont vu le jour, aux quatre coins de Paris. Au total, près de cent cinquante artistes se sont succédé devant un public électrisé. « Ça a tout de suite marché », se souvient Rag. Il faut dire que les filles du collectif frappent fort, sortent des sentiers battus. « On n’est pas allée frapper à la porte du Pulp pour commencer nos soirées, mais à la Flèche d’Or ». Un lieu pas vraiment estampillé LGBT, donc.
« C’est le but », affirme Rag : donner davantage de visibilité à la contre-culture lesbienne, faire du bruit, s’approprier l’espace. Leur soirée Wet For Me à La Machine est devenue l’une des soirées résidentes qui draine le plus de monde. Un savant équilibre, qu’elles cultivent depuis des années : « Même si on arrive à tous vivre ensemble, c’est quand même important de garder une identité ».
« On attend toujours le Pierre Berger des gouines »
Cette fois, c’est le Point Éphémère qu’elles ont pris d’assaut. Exposition, projection de films, le nom du collectif s’affiche en grand sur la baie vitrée de la salle de concert, avec vue sur le canal Saint-Martin. Entrée gratuite, elles y tiennent. « On attend toujours le Pierre Berger des gouines », taquine Rag. Puis, plus sérieuse : « On est doublement discriminé. Dans la communauté LGBT les gays prennent beaucoup de place, les filles sont bien moins visibles, c’est sûr. ». Et les membres du collectif ne les oublient pas, « celles qui ont dû se battre ». D’où le jeu de mot barbi(e)turix-barbiturique. « On veut être l’anti-dépresseur des lesbiennes », se marre Rag
En 2009, Barbi(e)turix lance son site internet. Visuel léché et info piquante, décalée. « Économiquement on est complètement indépendantes, ce qui nous va aussi parce qu’on dit ce qu’on veut, on fait ce qu’on veut », lance Rag, dans une moue un peu provoc’.
À l’expo, l’artistique se mêle au militant. « La PMA pour les nuls », peut-on lire sur un panneau à côté du portrait d’une jeune femme à l’allure juvénile, veste de cuir noire pour bulle de chewing-gum rose bonbon.
Investir la rue… et les régions
« On est hyper fières de ce que le collectif est devenu », insiste Rag, avec enthousiasme. Fières, au point de faire circuler une blague, dans la communauté : « C’est la plus longue relation que les gouines aient jamais connu ».
Un amour qui dure… bonne ou mauvaise nouvelle ? « Le fait qu’on soit toujours là après dix ans ça montre aussi des choses sur la société, qui n’en est pas encore là… Mais en même temps, ça prouve que les lesbiennes sont capables d’être dans l’action ». « Beaucoup de collectifs qui se sont créés n’ont pas tenu sur la durée, mais nous, on est toujours là », se félicite Rag. Elle s’anime : « Pour la suite, j’ai envie de plein air, que les filles investissent la rue ».
Ça ne l’empêche pas d’être lucide. Sur les manquements, le chemin qui reste à parcourir. « Il faudrait investir les régions, aussi… » Elle réfléchit, n’est pas sûre, n’hésite pas à dire qu’elle ne sait pas… « On apprend ensemble », conclut-elle.
Exposition « 10 ans d’activisme culturel et festif » jusqu’au 27 avril au Point Éphémère, 200 Quai de Valmy, 75010.
Barbi(e)turix organise une soirée Wet For Me spéciale pour ses dix ans samedi 26 à La Machine du Moulin Rouge ?
Le collectif sera également à Bruxelles le 17 mai, jour de pride. Un bus est mis à disposition depuis Paris à cette occasion.