A un mois de l’examen de la loi sur la prostitution, le grand cirque est ouvert. Le magazine Causeur et une poignée de réacs en profitent pour « emmerder les féministes » en méprisant au passage les militantes pour l’avortement des années 70 avec un « manifeste » de 343 salauds… ou 17.
C’est avec une perversité non feinte que dans son prochain numéro de novembre, le magazine Causeur détourne le « manifeste des 343 » pour le droit des femmes à disposer de leur propre corps et donc à avorter. Un manifeste signé en 1971 par des courageuses ayant avorté clandestinement et rebaptisé « manifeste des 343 salopes » par Charlie Hebdo.
Voici qu’aujourd’hui une poignée de causeurs médiatiques créent en écho le « manifeste des 343 salauds » pour revendiquer le droit de disposer du corps des femmes… Une mauvaise foi revendiquée. « Touche pas à ma pute », clame le texte qui n’est en rien une défense des prostituées, mais un plaidoyer pour les clients.
(Mise à jour : Causeur, pris de vitesse par ses méchants confrères, a publié cet appel sur son site internet)
Car la motivation principale de ce manifeste n’a rien de politique ou sociétal : c’est « l’envie d’emmerder les féministes d’aujourd’hui », selon la patronne de Causeur, Elisabeth Lévy, ainsi que le rapporte Libération. Le magazine, davantage connu pour sa haine de l’islam, du féminisme et de l’égalité en général, que pour la défense des opprimés, s’est fait une spécialité de la polémique pour la polémique.
Boomerang ?
Parmi les signataires du texte, se trouvent surtout des plumes du magazine – son rédacteur en chef Marc Cohen, son journaliste Luc Rosenzweig, son chroniqueur Basile de Koch, au demeurant époux de Frigide Barjot – mais aussi d’autres figures de la ‘réacosphère’ viscéralement anti-féministes, comme les plumes du Figaro Ivan Rioufol ou Eric Zemmour. Et à l’origine de ce texte, comme l’explique Libération, Frédéric Beigbeder, rédacteur en chef du magazine Lui et nouveau pourfendeur d’une domination féminine fantasmée.
Autant de notables qui jouent aux hérauts de la liberté et aux rebelles. Eux qui ne risquent strictement rien puisque les clients dont ils se font les porte-paroles peuvent aujourd’hui encore se payer les services de prostituées sans être inquiétés. Le projet de loi sur la prostitution porté par la députée PS Maud Olivier, qui prévoit (entre autres) de sanctionner l’achat d’actes sexuels, sera examinée dans un mois. Outre qu’il est peu probable que le nombre de personnalités signataires atteindra les 343 (Mise à jour : de fait, ils sont 19. On ne rit pas), leur référence à ces héroïnes qui revendiquaient l’avortement en 1971, alors qu’il était encore un crime, dépasse les limites de l’indécence.
(Nouvelle mise à jour le 1/11/13 : Nicolas Bedos a publié un mea culpa dans le magazine Elle. Au lieu de se contenter de dire qu’il a fait une « belle connerie », le « filleul filleul tant choyé de Gisèle Halimi, l’une de celles à qui l’on doit cette cruciale liberté » se cherche des excuses… Dommage. Et l’on apprend qu’Elisabeth Lévy, selon Nicolas Bedos, est désopilante… Bien plus qu’Isabelle Alonso qui a rhabillé les « Salauds de pacotille ».
Et le journaliste Daniel Leconte n’a jamais signé ce manifeste. « Il n’est pire sourde que celle qui entend ce qu’elle veut entendre », reconnaît Elisabeth Lévy. Ils ne sont plus que 17).
Au final, il y a fort à parier que ce manifeste contribuera surtout à desservir la cause qu’il prétend défendre. Mais il ne fait qu’ajouter des boules puantes dans un débat qui manque désespérément de recul et d’intelligence.
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