Journaliste à RFI, Claire Hédon est aussi, depuis le 1er septembre, présidente d’ATD Quart Monde. Un engagement pour la justice sociale qu’elle conçoit comme une évidence.
L’action auprès des plus démunis, ce n’est pas en France que Claire Hédon l’a rencontrée, mais en Thaïlande, il y a 22 ans. Alors qu’elle commençait à signer des reportages pour Radio France international (RFI), elle a accompagné pendant une semaine des membres d’ATD Quart Monde qui animaient une bibliothèque de rue dans des bidonvilles de Bangkok. Une action qui déjà répondait à « des questions de justice, d’accès aux droits pour tous, d’égalité des chances ».
A son retour à Paris, Claire Hédon a rejoint le mouvement des Universités Populaires d’ATD Quart Monde. « Il s’agit d’échanger avec des familles en grande précarité sur des sujets d’actualité ou des questions qui peuvent préoccuper les gens », explique-t-elle. Une école de l’échange. « Eux apprenaient à prendre la parole en public, de mon côté aussi je me suis beaucoup formée. J’ai appris ce que c’était de vivre dans la grande pauvreté, dans la précarité, et ce que souhaitaient les personnes qui y sont confrontées. »
Double casquette
Ces rencontres ont également influé sur son métier de journaliste. « Cela a grandement fait évoluer ma façon de penser et de travailler. J’ai appris qu’il faut prendre plus de temps pour interviewer les gens en situation de précarité ou en difficulté en raison de problèmes de santé [Elle anime sur RFI une émission quotidienne consacrée à la santé, NDLR]. Ils ont des choses à raconter mais ce n’est pas toujours évident pour eux de les exprimer. »
Après douze ans d’engagement au sein de ces Universités Populaires, elle est entrée au Conseil d’administration d’ATD Quart Monde. Elle en est ensuite devenue vice-présidente, avant d’être désignée présidente le 18 juin dernier par le Conseil d’administration. « J’ai été étonnée qu’on me le demande. Combiner ce poste et mon travail de journaliste, c’est dense, mais je suis heureuse d’avoir accepté. C’est un mouvement dont je suis fière de défendre les idées. Un mouvement très politique dans le sens noble du terme, qui a envie d’interroger la société, de faire bouger les choses. »
Si elle s’est posé « beaucoup de questions » sur la compatibilité entre son métier de journaliste et son rôle de présidente d’ATD Quart Monde, Claire Hédon y a rapidement apporté une réponse : « La lutte contre la pauvreté est un engagement qui est de l’ordre de l’évidence. Mais évidemment dans mon émission, si on doit traiter de questions qui sont au cœur du travail d’ATD Quart Monde, je me ferai remplacer ce jour-là. Parce qu’étant engagée à ce point dans le mouvement, j’ai une opinion qui empiète sur mon rôle de journaliste. »
Et dans son nouveau rôle, pas question de tout chambouler. « Je m’inscris dans une continuité », insiste celle qui a pris ses fonctions le 1er septembre. La continuité du précédent président, Pierre-Yves Madignier. Et celle plus lointaine de Geneviève de Gaulle Anthonioz, qui vient d’entrer au Panthéon, et qui a présidé le mouvement pendant 30 ans. Son combat a notamment permis l’adoption de la loi d’orientation sur la lutte contre la pauvreté et les exclusions en 1998.
« Les politiques bougeront si la société bouge »
Agir par la loi, c’est l’un des piliers de l’action d’ATD Quart Monde. Aujourd’hui, le mouvement est à l’origine de deux propositions de loi. L’une, qui vise à inscrire la grande précarité comme critère de discrimination, a été adoptée par le Sénat en juin dernier. Elle est aujourd’hui sur liste d’attente à l’Assemblée nationale. « On sait bien que l’Assemblée est un peu encombrée, mais on aimerait que ça avance plus vite », commente Claire Hédon. « Bien sûr, cette loi ne changera pas la vie quotidienne des plus pauvres du jour au lendemain, mais elle aidera à lutter contre les discriminations ». Un autre texte doit être examiné le 23 novembre par les députés : une proposition de loi pour créer des expérimentations contre le chômage de longue durée (Voir : Des territoires en première ligne contre le chômage de longue durée).
La nouvelle présidente d’ATD Quart Monde a « une conviction : les politiques bougeront si la société bouge. Si l’ensemble de la société était mobilisée pour la création de logements sociaux, pour favoriser la mixité à l’école, ne pas stigmatiser les personnes en recherche d’emploi, on avancerait plus vite. »
Reste que ces dernières années de crise « ont généré de la peur », s’inquiète Claire Hédon. Une peur qui « fait que les gens se recroquevillent sur eux-mêmes, et se préoccupent moins de la justice sociale ». Pas question pour autant de céder au pessimisme : « Certes, il y a encore beaucoup de monde à convaincre, mais il y a déjà de nombreux convaincus, et qui agissent. »
La journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre, sera aussi l’occasion pour le mouvement de mettre en avant ces actions positives, « montrer toutes les solidarités, les mobilisations au quotidien, qui existent dans les quartiers dits ‘à problème’, qui sont trop souvent montrés du doigt ». Et Claire Hédon de reprendre une fois encore ce mot, « convaincre », qui lui tient à cœur : « Une grosse partie du travail, c’est de communiquer, de convaincre de l’importance de lutter contre la pauvreté. »