À mesure que le climat se dégrade, les inégalités entre les hommes et les femmes s’aggravent. C’est le bilan d’une étude menée par l’ONG CARE France qui dénonce la faible part de femmes aux postes de décisions dans la lutte contre le réchauffement climatique. Or, l’égalité serait justement une solution durable.
« L’inégalité entre les hommes et les femmes et le changement climatique sont deux des défis mondiaux les plus urgents de notre époque », interpelle Sophia Sprechmann, Secrétaire générale de CARE International. Lundi 30 septembre, l’ONG a publié une nouvelle étude « Beyond a seat at the table », en collaboration avec Stockholm Environment Institute et le soutien financier de la Fondation L’Oréal, sur l’exclusion des femmes des décisions face au changement climatique. Aussi bien au niveau local qu’international, les femmes seraient moins représentées et, surtout, moins écoutées.
Les femmes sont les premières victimes du dérèglement climatique
84,2 millions. C’est le nombre de femmes et de filles de plus par rapport aux hommes et aux garçons en situation d’insécurité alimentaire, causée en partie par les effets du changement climatique. Si la population mondiale est impactée par le dérèglement du climat, « les pays du Sud et les personnes appartenant à des groupes socio-économiques et de genre déjà marginalisés, notamment les femmes et les filles, sont les plus touchés », précise l’étude menée par l’ONG CARE.
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Les femmes sont les premières victimes du changement climatique. Les Nations Unies estiment que « 4 personnes sur 5 déplacées par les effets des changements climatiques sont des femmes et des filles ». À cela s’ajoute une augmentation des risques de « violences sexistes dans le cadre des déplacements liés au climat et/ou du fait de distances de marche plus longues pour aller chercher de l’eau ou utiliser les toilettes », rapporte l’étude de CARE.
Les inégalités entre les femmes et les hommes sont même aggravées dans le contexte de ce dérèglement et des catastrophes naturelles qui se multiplient. La charge mentale domestique, portée en majorité par les femmes, tend à augmenter puisque ces dernières sont « responsables de la gestion des ressources telles que la production maraîchère, ou la collecte de l’eau et du bois de chauffe pour leur famille (ONU Femmes, 2022a) ». Résultat : leur temps disponible pour des activités rémunérées est considérablement réduit.
En mars 2024, la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) alertait déjà sur la hausse des inégalités entre sexes, catégories sociales et générations. Ce précédent rapport évaluait à 55 minutes supplémentaires le temps de travail hebdomadaire des femmes agricultrices par rapport à celui des hommes lorsque des événements météorologiques extrêmes se produisent.
Le réchauffement climatique, une affaire d’hommes ?
Au sein des organisations internationales et des délégations constituées lors d’événements majeurs pour le climat, la parité n’est pas au rendez-vous… Lors de la COP 28, conférence internationale lancée par l’ONU, les femmes représentaient 19 % des chefs de délégation, soit une baisse par rapport à la COP27 où elles n’étaient déjà que 20%. En outre, parmi les délégations représentées, seulement 34% de femmes, soit le même pourcentage qu’à la COP18 en 2014.
L’étude note également une absence de parité au sien des organes constitués de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), où seuls 3 organes sur 17 affichaient une participation féminine supérieure à 50 % selon un rapport de Women’s Environment and Development Organization (WEDO) de 2023, cité par CARE.
Même dans les organisations locales, la voix des femmes reste peu prise en compte. « La recherche a démontré qu’au niveau local, même lorsque la participation à une réunion est relativement équilibrée, les hommes dominent toujours les discussions et exercent une plus grande influence sur les processus de prise de décision » rapporte l’ONG.
Pourquoi les femmes sont-elles ainsi exclues des politiques climatiques ? Alors même que les experts du GIEC ont démontré qu’une mesure tend à être moins efficaces lorsque qu’aucune femme n’a contribué à son élaboration… « La mise à l’écart de la moitié de la population mondiale a un impact sur toute la société, alors que le changement climatique s’aggrave partout sur la planète. », alerte le rapport. En 2022, déjà, l’ONU estimait que donner davantage de leadership aux femmes « n’est pas seulement une question de justice », mais la participation des femmes aux décisions est essentielle pour créer des communautés et des sociétés « pacifiques et résiliantes ». (Lire : « Pour le climat, l’ONU appelle à placer les femmes au cœur du processus décisionnel« )
L’égalité entre femmes et hommes contribue à la lutte contre le réchauffement climatique
Selon CARE, ces inégalités sont causées par des obstacles plus ou moins visibles. « Ces inégalités découlent de normes et de pratiques sociales sexistes et discriminatoires, tels que les inégalités dans l’accès à l’éducation et à la formation, le déséquilibre de la charge de travail domestique non rémunéré, l’inégalité au sein des ménages, les violences basées sur le genre, les freins à l’accès aux espaces de décision, ou encore le contrôle limité des ressources par les femmes et les filles », détaille l’ONG.
Mais les inégalités entre les femmes et les hommes face au réchauffement climatique ne sont pas une fatalité. Dans son rapport, CARE adresse aux organisations de la société civile (OSC), les ONG internationales (ONGI) ainsi qu’au secteur privé des recommandations pour parvenir à mener une lutte contre le dérèglement du climat tout en incluant le facteur du genre. Et cela passe notamment par une ouverture plus large des postes de décisions des organisations aux femmes.
Si les politiques de quotas sont nécessaires, elles restent néanmoins insuffisantes : « Les gouvernements et les organisations intergouvernementales doivent reconnaître que si les quotas constituent un pas dans la bonne direction, ils ne suffisent pas à eux seuls à remédier aux inégalités de genre dans la prise de décision en matière d’adaptation au changement climatique, estime l’ONG avant d’ajouter : Des mesures complémentaires sont nécessaires, notamment la conception de processus pour des environnements sûrs et favorables, la lutte contre les normes sociales discriminatoires (stéréotypes, préjugés cachés, micro-agressions, harcèlement) et des actions visant à réduire la charge de travail qui pèse sur les femmes. »
Une politique de l’autruche
Malgré les alertes constantes de l’ONG CARE, des experts du GIEC et de bien d’autres organismes, la dégradation du climat s’intensifie. Et les moyens alloués à la lutte pour l’environnement restent insuffisants.
Pour la cause féministe, même constat. Avec cette nouvelle étude, CARE tire la sonnette d’alarme. La lutte contre le réchauffement climatique doit être menée avec les femmes. L’ONG estime même nécessaire une profonde remise en question de la société qui ostracise systématiquement les femmes des postes à responsabilités.
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