Parce que l’appellation « Droits de l’Homme » continue « d’invisibiliser les femmes, leurs intérêts et leurs luttes », le Collectif des Droits humains pour Tou.te.s célébrait jeudi 10 décembre la « dernière journée des Droits de l’Homme ».
Au programme une table ronde d’aguerris, Yvette Roudy, première ministre des « Droits de la femme », Catherine Coutelle, présidente de la Délégation aux droits des femmes à l’Assemblée ou encore Danielle Mérian, avocate féministe.
L’argument est simple : « L’expression “droits de l’Homme” exclut les femmes, elle ne recouvre pas leurs droits. La communauté internationale parle de Droits humains, Human Rights », insiste Danielle Mérian.
Le Collectif des Droits Humains pour Tou.te.s met également un autre argument en avant. « L’attachement des institutions françaises à cette expression est motivé par une volonté de célébrer la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, proclamée en 1789. Or, ce n’est pas à celle-ci que la journée internationale [du 10 décembre] renvoie, mais bien à la Déclaration universelle de 1948 », éclaire le Collectif, qui estime que cela « entretient une regrettable confusion entre les deux textes ».
De plus « le progrès que constitue la Déclaration de 1948 sur celle de 1789 s’en trouve ainsi minoré, voire nié ». Des arguments réunis dans un appel signé par de nombreuses personnalités, institutions ou encore journaux dont Les Nouvelles NEWS.
« On va vous dire que ça n’est qu’un détail. Que ça n’est pas le moment – et ça n’est jamais le moment »
Dans la salle, des militant.e.s de la première heure qui se sont battu.e.s et se battent encore pour la reconnaissance des droits femmes. Car comme l’affirme Yvette Roudy, citant Hannah Arendt : « Ce qui n’est pas écrit n’existe pas. Le fait qu’il y ait ces résistances, c’est que, quelque part, on ne veut pas reconnaître les droits des femmes. Tant qu’il n’y aura pas écrit ‘Droits humains’, et bien nous n’existerons pas », alerte celle qui fut en 1981 la première ministre des « Droits de la femme ».
Et les arguments contre cette expression, Yvette Roudy les connaît bien. « On va vous dire que ça n’est qu’un détail. Que ça n’est pas le moment – et ça n’est jamais le moment. Que c’est un anglicisme, alors que la plupart des pays francophones ont adopté l’appellation ‘droits humains’ », souligne-t-elle. « Ma chère Catherine, tu as encore du grain à moudre. »
De fait Catherine Coutelle, présidente de la Délégation aux Droits des femmes à l’Assemblée, avait par exemple tenté, sans succès, de remplacer la mention « droits de l’Homme » par « droits humains » dans un texte de loi en avril dernier. « Ça avance », lance-t-elle, « mais ça n’est pas gagné ni fini (…) Il y a urgence à s’adresser à l’ensemble de l’humanité ».
« Il ne viendrait à l’idée de personne de parler des droits de la femme en pensant parler de l’humanité toute entière »
Et pour que les choses soient claires, « il ne s’agit pas de revenir sur l’Histoire. Nous ne cherchons pas à créer des dissensions là où ce n’est pas utile. Il faut regarder vers l’avant », tranche Marie-Annick Bourdin, du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes. Tandis que Danielle Mérian ironise : « La France pourrait être plus modeste qu’à son habitude et abandonner, pour une fois, son exception française. »
Et justement, l’adjointe à la Maire de Paris en charge de l’égalité femmes/hommes, de la lutte contre les discriminations et des droits humains, Hélène Bidard a déjà fait un pas en avant en mars 2015, date à laquelle elle a décidé, avec Anne Hidalgo de « changer officiellement le nom de ma délégation de droits de l’Homme en droits humains, changement mis en œuvre en juin 2015 ».
« Cette terminologie porte en elle tout le système sexiste et inégalitaire subi par les femmes. Ce n’est pas un détail et cela n’a rien d’anodin, il ne viendrait à l’idée de personne de parler des droits de la femme en pensant parler de l’humanité toute entière, les hommes compris. Non le masculin n’est pas neutre, non l’homme n’est pas la référence universelle. »
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