Portée par Vandana Shiva, une « Alliance globale citoyenne » a engagé deux semaines d’actions pour dénoncer la mainmise de l’agro-industrie sur les semences, essence de la biodiversité et de la sécurité alimentaire.
« Libérez les semences » ! Ce message sera relayé un peu partout dans le monde jusqu’au 16 octobre, Journée Mondiale de l’alimentation. Portée par l’Indienne Vandana Shiva et une centaine d’associations engagées dans la formation d’une « Alliance globale citoyenne pour la liberté des semences », cette campagne a été lancée le 2 octobre, jour anniversaire de la naissance de Gandhi. Comme le héros indien, elle appelle à la « désobéissance civile contre des lois injustes ».
Monopole industriel
« Le libre échange des semences entre fermiers est la base du maintien de la biodiversité aussi bien que de la sécurité alimentaire », plaide l’Alliance. Aujourd’hui, une dizaine de grandes firmes agro-industrielles s’octroient un quasi-monopole sur les semences, sur lesquelles elles déposent des brevets. Les 4 plus grandes – dans l’ordre Syngenta, Bayer, BASF et Monsanto – contrôlent plus de la moitié du marché mondial. Sans compter que ce contrôle par l’agro-industrie va de pair avec le développement de produits génétiquement modifiés. C’est aussi un carcan pour les agriculteurs, obligés de se fournir auprès de ces firmes. En Inde, cette mainmise industrielle sur les semences, qui interdit aux paysans de partager les graines et les pousse à s’endetter, a poussé 250 000 paysans au suicide, selon l’Alliance.
L’exemple Kokopelli
Pour résister à ce rouleau compresseur, l’association Navdanya fondée il y a 25 ans par Vandana Shiva a créé plus de 100 « banques de semences » locales en Inde. Ce principe a essaimé un peu partout dans le monde. Mais le rapport de force reste très inégal. En France, l’association Kokopelli qui promeut le partage des semences a perdu, le 12 juillet dernier, une première manche du procès intenté par la firme Graines Baumaux. La Cour européenne de justice a estimé l’accusation légitime, car les graines rares ou anciennes proposées par Kokopelli ne figurent pas dans le « catalogue officiel » de l’Union européenne. Cette décision, estime l’association, induit que la biodiversité peut être « sacrifiée sur l’autel de la productivité. » Par ailleurs, la loi sur les Certificats d’Obtention Végétale, adoptée fin 2011 par le Parlement, est venue compliquer un peu plus l’utilisation de graines « libres de droits ».
Désobéissance et échanges
« C’est notre devoir éthique et écologique de s’opposer au brevetage des semences », plaide Vandana Shiva en introduction d’un copieux rapport (« Seed freedom », ici en anglais) coordonné par Navdanya et publié jeudi 3 octobre pour appuyer la campagne pour la « Liberté des semences ». Les actions de désobéissance civile durant ces deux semaines d’action prendront de multiples formes. La Cour européenne de Justice, justement, sera visée. Deux après-midi de sit-in, avec échange de graines, sont prévus les 9 et 16 octobre, devant le bâtiment de la Cour au Luxembourg. A Paris la GreenPride, les 6 et 7 octobre, relaiera les revendications du mouvement.
Pour aller plus loin :
Le site de la campagne « Seed freedom »
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Photo © Manlio Masucci