La Commission européenne veut renforcer la coordination des États membres contre la traite des êtres humains. En insistant pour une meilleure prise en compte de la dimension de genre, et pour s’attaquer à la demande.
C’est d’abord un constat : la traite des êtres humains reste florissante dans le monde. Selon les dernières estimations de l’Organisation internationale du travail, le nombre de victimes de l’esclavage moderne – comprenant l’exploitation sexuelle forcée – dépasse les 20 millions. Et selon les chiffres de la Commission européenne, dans les trois quarts des cas répertoriés, la traite a pour but l’exploitation sexuelle, et les victimes sont des femmes dans 79 % des cas.
Dimension de genre
Face à ce constat, la Commission européenne a présenté, mardi 19 juin, un programme de mesures sur les cinq prochaines années « pour mieux protéger les victimes et poursuivre les responsables plus efficacement ».
Cette feuille de route, qui développe 5 priorités (encadré ci-dessous), appelle notamment à développer « l’échange de bonnes pratiques » entre États membres. Et, parmi ces bonnes pratiques, la Commission ne perd pas de vue la nécessité de prendre en compte la dimension de genre. Elle entend ainsi renforcer dès 2013 « les connaissances relatives aux dimensions de genre de la traite des êtres humains, notamment aux spécificités liées au sexe qui caractérisent la manière dont hommes et femmes sont recrutés et exploités, aux conséquences selon le sexe des différentes formes de traite, et aux éventuelles différences de vulnérabilité des hommes et des femmes face au risque de devenir victime et à son impact sur eux. » Une approche genrée saluée par le Lobby Européen des femmes.
La Commission avait déjà avancé dans ce cadre en 2011 avec l’adoption d’une directive sur la lutte contre la traite mettant l’accent sur les droits de l’homme, sur le soutien aux victimes, et intégrant la dimension de genre. La Commission juge que cette directive « devrait avoir une incidence considérable une fois entièrement transposée par les États membres d’ici le 6 avril 2013. »
Les clients dans le collimateur
La Commission entend aussi, dès 2013, lancer « des recherches sur la réduction de l’offre et de la demande de services et de biens produits par des victimes de la traite des êtres humains, notamment des victimes d’exploitation sexuelle ». Ces recherches alimenteront un rapport que rendra la Commission en 2016 « sur les mesures juridiques prises par certains États membres pour criminaliser le recours aux services de victimes de la traite des êtres humains ».
Déjà la directive de 2011 invitait les États membres à « élaborer et/ou renforcer leur politique de prévention de la traite des êtres humains, y compris les mesures destinées à décourager la demande ». On notera que la Commissaire aux Affaires intérieures Cécilia Malmström, en charge du dossier, vient de Suède, pays pionnier pour la criminalisation des clients de la prostitution.
La France s’appuiera-t-elle sur cette approche pour relancer la proposition de loi Bousquet-Geoffroy visant – entre autres – à « responsabiliser » les clients de la prostitution ? Il faudrait alors également, pour coller à l’esprit de la Commission européenne, abroger les dispositions de la loi de 2003 ayant créé le délit de « racolage passif ». C’est cette double demande que formulait, dans une lettre adressée le 18 mai à Jean-Marc Ayrault, le collectif ZéroMacho.
Les 5 priorités selon la Commission européenne :
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Pour aller plus loin :
Un site de la Commission européenne dédié à la question du trafic (disponible uniquement en anglais)
Les témoignages vidéo de quatre rescapées de la traite. Comme Teodora, contrainte à se prostituer en Belgique. Ou Agnes, orpheline ivoirienne devenue esclave domestique en France.
Photo : Conférence de presse de Cecilia Malmström, le 19 juin 2012 à Bruxelles.
8 commentaires
Le lien du témoignage vidéo ne fonctionne pas.
Etrange. De notre côté il fonctionne.
« les mesures juridiques prises par certains États membres pour criminaliser le recours aux services de victimes de la traite des êtres humains »
C’est hypocrite. Le client prostitueur, même s’il le voulait, ne peut pas savoir si la personne prostituée qu’il utilise est victime de la traite. Ni mineure d’ailleurs. Et le doute lui profite. Alors que, en toute justice, tout client prostitueur devrait être considéré comme quelqu’un qui prend sciemment ce risque.
Je ne comprends pas bien votre commentaire: vous voulez dire que un client de prostitué-e victime de la traite ou pas devrait être pénalisé?
Oui, c’est bien mon propos. Le « client » sait qu’il y a de fortes probabilités que la prostituée qu’il utilise soit victime de la traite. Parfois même cela ne fait aucun doute pour lui et cela ne l’arrête pas…
Sanctionner le recours aux femmes victimes de la traite est hypocrite, puisque le « client » peut toujours dire qu’il l’ignorait.
Donc, oui, tout achat de « services sexuels » doit être pénalisé. C’est la seule démarche qui a un minimum d’efficacité sur la traite, puisque les réseaux n’investissent plus un marché peu rentable.
Je te plussoie (tu dois me connaître déja sous le pseudo de ko, si je ne me trompe).
Il me semble (certainement même).
On fréquente les mêmes bons sites!
Vous utilisez le terme de « droits de l’homme » au lieu de « droits humains » ! Est-il nécessaire d’expliquer la différence aux journalistes des Nouvelles News ?