Depuis deux ans, la population iranienne se révolte contre la République islamique en place. Un régime qui oppresse ses opposant.es, et surtout les femmes. Mais, même incarcérées ou réfugiées, elles continuent de lutter. Les féministes françaises affichent leur solidarité.
« À l’occasion du deuxième anniversaire du mouvement « Femme, Vie, Liberté », nous renouvelons avec encore plus de force notre engagement pour la démocratie, la liberté et l’égalité et affirmons notre ferme résolution à vaincre le despotisme religieux. Nous crions haut et fort notre détermination. » Ces mots sont ceux de Narges Mohammadi. Depuis le quartier des femmes de la prison d’Evin en Iran où elle est incarcérée depuis 2021, celle qui a été nommée prix Nobel de la paix en 2023 a transmis une lettre lue par l’avocate Chirinne Ardakani au micro de France Inter le 15 septembre 2024.
De Mahsa Amini à « Femme, vie, liberté »
Cette date marque les deux ans de la mort de Mahsa Amini. L’Iranienne d’origine kurde de 22 ans avait été arrêtée puis tuée par la police des mœurs pour avoir « mal » porté son hijab. Depuis la révolution islamique de 1979, la République islamique d’Iran impose aux femmes de se couvrir les cheveux, leur interdit de porter des manteaux courts au-dessus du genou ou encore des tenues de couleurs vives.
La mort de Mahsa Amini a alors provoqué une vague de manifestations qui s’est peu à peu muée en une véritable révolution. Les actes de rébellion se sont multipliés et le courage de ces résistant.es est salué partout dans le monde. Le slogan « Femme, vie, liberté » est l’emblème de cette lutte contre l’oppression.
Une répression de plus en plus violente
Cependant, ces actes de rébellion sont violemment punis par la République islamique d’Iran. Selon le Conseil des droits de l’homme, qui a créé une mission internationale indépendante d’établissement des faits sur l’Iran dès novembre 2022, « 551 manifestants ont été tués, dont 49 femmes et 68 enfants, dans 26 des 31 provinces iraniennes » (données datant de mars 2024) et les détenu.es sont régulièrement torturé.es dans le but de « leur arracher des aveux ou pour les intimider, les humilier et les punir ».
Reporters Sans Frontières rapporte une recrudescence des violences visant les journalistes, notamment femmes, ayant documenté la mort de Mahsa Amini et l’évolution du mouvement « Femme, vie, liberté ». Une centaine auraient été enfermé.es ou poursuivi.es en justice depuis septembre 2022, bien que l’ancien ministre des Affaires étrangères Hossein Amir Abdollahian ait affirmé qu“il n’y avait pas de journalistes emprisonnés en Iran”… Narges Mohammadi en fait partie. Pour rendre hommage à son combat contre l’oppression des femmes en Iran et sa lutte pour la défense des droits humains et de la liberté pour tous, le prix Nobel de la paix lui a été décerné en 2023. « Au total, le régime l’a arrêtée 13 fois, l’a condamnée cinq fois, à un total de 31 ans de prison », rappelle Berit Reiss-Andersen, la présidente du comité Nobel norvégien.
Incarcérée à la prison d’Evin, réputée pour les traitements violents envers les détenues, la journaliste a été privée de son droit de communication avec sa famille et de visites depuis l’annonce de son prix Nobel. Cependant, plusieurs familles de co-détenues rapportent que Narges Mohammadi a été violemment battue en août dernier par un geôlier après un rassemblement dans la cour du quartier pour femmes de la prison « pour protester contre l’exécution secrète, à l’aube, de Gholamreza Rasaei », un jeune kurde iranien et militant du mouvement « Femme, vie, liberté“.
Citée par France 24, l’avocate Chirinne Ardakani estime qu’il a « une stratégie d’usure psychique et physique de la République islamique d’Iran pour contraindre [les militants des droits humains] à renoncer à leur combat. Quand les soins ne sont pas refusés, ils sont retardés pour épuiser physiquement le détenu. C’est un système de répression et soumission à des traitements dégradants. » Sylvie Brigot, directrice générale d’Amnesty International, déplore auprès du journal Le Monde l’utilisation “massive” de la peine de mort, « comme instrument pour distiller la peur. Et il y a encore des milliers et des milliers de personnes détenues injustement sans procès. »
Malgré la violence de la répression, le peuple iranien continue de son combat. 34 détenues Iraniennes de la prison d’Evin, dont Narges Mohammadi, ont lancé un grève de la faim afin de célébrer les deux ans du mouvement.
Les féministes françaises leur apportent leur soutien
Le mouvement “Femme, vie, liberté“ a dépassé les frontières de l’Iran et, partout, les féministes apportent leur soutien aux Iraniennes en lutte. Dimanche 15 septembre, une marche a été organisée à Paris. La Fondation des femmes écrit sur X : « Aujourd’hui et tous les jours, nous sommes aux côtés des femmes en lutte en Iran et dans le monde. #FemmeVieLiberte : par ce message affiché sur la façade de la Cité Audacieuse, nous faisons écho à leurs luttes pour les droits, la dignité et la vie ! ». L’association Solidarité Femmes a, elle aussi, réagit : « Aujourd’hui nous honorons la mémoire de Mahsa Amini, assassinée il y a deux ans par la police des mœurs iranienne parce qu’elle ne portait pas correctement son voile. Soutien aux femmes iraniennes qui continuent à lutter pour leur liberté ». L’économiste féministe Céline Piques salue quant à elle « 2 ans d’un courage inouï ».
L’artiste iranienne Marjane Satrapi, en exil depuis 30 ans en France, dénonce une certaine hypocrisie des organisations internationales. Dans une story Instagram, elle interpelle les Nations Unies qui affichent leur soutien aux Iraniennes… tout en ayant nommé l’Iran président d’un forum social du conseil des droits de l’homme en 2023.
Dans sa lettre du 14 septembre 2024, Narges Mohammadi le sait : « Rien ne sera plus comme avant. Nous sentons tous qu’un changement radical est en train de s’opérer dans les mœurs et la vie de toute la société. ». Elle conclut : « J’invite les Nations Unies à mettre fin à leur silence et leur inaction face à l’oppression et la discrimination dévastatrices des femmes par les dictatures religieuses en criminalisant l’apartheid de genre. Car émanciper les femmes du cycle de l’oppression et de la discrimination consolidera les forces qui promeuvent la paix et la démocratie dans le monde. ». Un appel pour la paix et l’égalité est lancé.
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