Les chiffres des violences sexuelles en milieu festif sont en hausse. Quand les festivals et autres manifestations festives se donnent les moyens d’assurer la prévention des violences, les femmes peuvent vraiment s’amuser. Sinon, elles optent de plus en plus pour des soirées « grils only ».
Sept ans après une première enquête dont les résultats avaient retenti en France, Consentis – association spécialisée dans la prévention des violences en milieu festif – a publié début juillet son nouveau rapport. L’enquête Nos nuits sous tensions, réalisée auprès de +3000 personnes entre septembre et novembre 2024 révèle une forte persistance des violences subies par les femmes et les personnes LGBTQIA+. Elles seraient 80 % à avoir déjà vécu des violences sexuelles en milieu festif (contre 60 % en 2018), 10 % des répondant·e·s au questionnaire ont déclaré y avoir été violé·e·s, et près de 25 % disent y avoir subi au moins une violence LGBTQIA+phobes.
Bien choisir ses festivals

« Il y a des facteurs de risques spécifiques à ce milieu-là », explique Mélanie, directrice de l’association Les Catherinettes, invitée sur le podcast safecore, « il y a beaucoup de consommation, c’est un milieu où il fait souvent noir, il y a des recoins, il y a de la foule. C’est un milieu où les gens s’autorisent à faire des choses qu’ils ne feraient pas forcément ailleurs ».
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Les associations spécialisées cherchent à attirer l’attention sur ces constats alarmants depuis de nombreuses années, et le public fêtard s’y met aussi. « Le public a des attentes très fortes auprès des établissements, des organisateurs et organisatrices », affirme Domitille Raveau, co-fondatrice de Consentis, dans un autre épisode de safecore, « aujourd’hui ça devient une exigence, donc on attend que des mesures soient prises et que ces attentes soient entendues ».
Pourtant, les financements manquent encore pour que le problème soit efficacement et correctement pris en compte. « On n’est bien sûr quasiment pas financés par les pouvoirs publics, il y a un désengagement des financeurs publics au global », déplore Mélanie : et les coupes dans les subventions des programmes culturels dans plusieurs régions françaises (notamment les Pays de la Loire) n’aident pas.
Mieux vaut, tout de même privilégier les structures et festivals travaillant en partenariat avec des associations qui agissent pour la sécurité des fêtard·e·s. Sur leurs sites, les collectifs comme Consentis ou Les Catherinettes – entre autres (lire : Festival d’anti-sexisme dans les festivals) – communiquent sur les organisateurs ayant suivi leurs formations. Des dizaines de festivals et de salles ont ainsi été formés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS), mais également à l’accompagnement des victimes. Parmi eux, des grands noms comme We Love Green, Rock en Seine, ou encore Le Printemps de Bourges, mais également des lieux moins connus du grand public : Cabaret Aléatoire, Astropolis, Le Jardin Moderne, le Dub Camp Festival, Burning Womxn et bien d’autres encore.
La non-mixité : une alternative pour profiter sans se sentir en danger
Face à des violences de plus en plus nombreuses, des soirées particulières s’organisent, depuis plusieurs années déjà. Celles du collectif La Bringue, créé en 2019 par Clarisse Luiz, sont peut-être les plus emblématiques : des soirées « girls only », en non-mixité. Ces événements apparaissent comme des réponses à la violence à laquelle les femmes ont pu faire face, ainsi qu’aux rumeurs alarmistes (comme celle des piqûres à la seringue) encourageant les femmes à rester chez elles. « Au final, c’est toujours aux femmes qu’on demande de se protéger — apprendre le self-defense, redoubler de vigilance — plutôt que de responsabiliser les garçons », observe la sociologue Stéphanie Le Gal-Gorin pour Ouest France.
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Les soirées en non-mixité sont, pour celles qui y participent, des espaces sécurisants où il est possible de s’amuser sans avoir peur. Un reportage de Libération en mars denier a permis d’entendre les voix de celles qui privilégient ces soirées « girls only » : « Ici, on se sent plus “safe”, et même s’il arrive quelque chose, on sait qu’on peut compter sur le staff », explique l’une d’entre elles. Dans ces soirées entre femmes, la sororité est palpable, et les participantes ne craignent pas de danser et de s’habiller comme elles l’entendent. Les talents féminins sont également célébrés, puisque le collectif choisit de mettre en avant des artistes féminines (DJ, danseuses…) lors de ses évènements.
Seulement voilà : même ces soirées non-mixtes ne sont pas exemptes de menaces. Fin octobre 2024, une soirée du collectif La Bringue avait été prise pour cible par des hommes qui avaient visé la terrasse du bar où l’évènement se tenait avec des mortiers d’artifice. Marie, une fêtarde ayant déjà participé aux Bringues, évoque pour le magazine Elle un autre moment de violence masculine : « On était en train de fumer devant le bar quand des mecs dans un camion sont passés plusieurs fois devant nous avant de nous balancer un bidon d’essence. Heureusement, on a tout éteint à temps ». Pour elle, « les hommes ne supportent pas d’être
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Ces évènements par les femmes et pour les femmes, dont la portée commence à s’étendre avec des initiatives de voyages en non-mixité (Copines de voyage, Les voyages de Simone, L’Odyssée du papillon), se multiplient pour le plus grand bonheur de celles qui y participent. En attendant que les associations spécialisées dans la prévention en tout genre dans les milieux festifs soient financées et soutenues à la hauteur de la mission qui leur incombe.