Pour ce qui est du coup médiatique, c’est réussi. L’intervention de Greenpeace en pleine séance à l’Assemblée nationale, mercredi dernier, a eu des répercussions jamais vues jusque-là. La classe politique, en majorité, crie son indignation. Mais elle a surtout montré, sur le coup, qu’elle était loin de la sérénité dans le grand débat sur la lutte contre le réchauffement climatique.
Une intervention en deux temps. Des militants ont d’abord tenté, hier midi, de déployer une banderole sur le toit de l’Assemblée, avec ce message : « Copenhague : aux actes, monsieur le Président ! » Puis l’après-midi dans l’hémicycle, une dizaine de membres de Greenpeace ont interrompu la session parlementaire – consacrée à un débat sur Copenhague – pour afficher le même message.
Quatre minutes de suspension qui ont suscité des commentaires à n’en plus finir. La majorité y voit un « outrage à la représentation nationale ». Le mot qui revient le plus, chez les élus de droite : « Voyous ». Le président de l’Assemblée, Bernard Accoyer, a annoncé avoir porté plainte et fait renforcer les mesures de sécurité au palais Bourbon. (1)
Mais pour l’ONG, habituée aux coups d’éclats, il était essentiel de saisir ce débat à l’Assemblée pour se faire entendre. « En alertant nos responsables politiques, nous sommes à notre place et dans notre rôle », se défend Greenpeace. Qui a ainsi pu rappeler ses revendications : les pays industrialisés doivent prendre à Copenhague l’engagement de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici à 2020. Et devront débourser 110 milliards d’euros par an pour aider les pays en développement à faire face aux changements climatiques (la part de la France s’élevant à un peu plus de quatre milliards par an).
Et au final, ce happening a montré que les députés étaient bien loin de l’union sacrée sur la question du climat. Si l’intervention de Greenpeace n’a duré que quelques minutes, tout le débat qui a suivi est resté extrêmement tendu ; malgré quelques belles paroles d’union, comme celle de Stéphane Demilly, du Nouveau Centre, citant Martin Luther King : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous périrons ensemble comme des imbéciles. » Quelques minutes après ces mots, les élus UMP quittaient l’hémicycle pour protester contre la prise de parole du député Verts Yves Cochet, qu’ils accusent d’avoir, avec Noël Mamère, aidé les activistes de Greenpeace. Ce dernier accuse en retour la majorité d’instrumentaliser l’affaire, pour opposer « dangereux gauchistes » et « écologie de droite ».
Ce qui apparaît en filigrane, ce sont aussi les tensions autour d’un mot, d’une idée qui fait peur à beaucoup : la décroissance. C’est l’un des chevaux de bataille d’Yves Cochet, et un thème dont s’est aussi emparé le chef de l’Etat il y a quelques jours – pour s’y opposer, lui, avec toute la mauvaise foi nécessaire. Sur le thème : regardez-moi ces talibans écolos qui veulent nous empêcher de consommer et qui vont ainsi détruire l’emploi.
Quelle croissance, ou quelle décroissance ? La question a de beaux jours devant elle, autant dans le cadre de Copenhague que dans la campagne des régionales.
