Les vols violents contre les femmes sur la voie publique ont augmenté de 13% en 2010, selon le bilan annuel de l’Observatoire national de la délinquance, publié ce vendredi 21 janvier. Son président y voit un point « grave » et un coup d’arrêt à « la remise en question des vieux critères machistes ». Le ministre de l’Intérieur, lui, reste muet sur ce point.
Dans les colonnes du bilan 2010 de l’Observatoire national de la délinquance (OND), c’est la statistique qui interpelle : elle concerne les « vols violents sans arme contre des femmes sur voie publique ou autre lieu public » – le seul index de cet exercice annuel pour lequel est spécifié le sexe de la victime (1). Et ces chiffres sont sans appel : le nombre de femmes victimes de ces vols violents est passé de moins de 41 400 en 2008 à plus de 50 000 en 2010. Une augmentation de 13% l’an dernier, après une autre de 7,1 % en 2009.
Bauer s’inquiète, pas un mot d’Hortefeux
Il s’agit là du « point le plus grave et le plus déterminant de la statistique 2010 », jugeait ce vendredi matin le président de l’OND Alain Bauer au côté du ministre de l’Intérieur (photo ci contre). Les violences faites aux femmes, « c’est LE sujet qu’il va falloir traiter », insistait-il un peu plus tôt sur RMC. Mais dans une interview au Figaro publiée ce vendredi, dans laquelle il se réjouit des chiffres globaux, Brice Hortefeux n’évoque ce point à aucun moment. Déjà trop loin, la lutte contre les violences faites aux femmes, grande cause nationale de l’année 2010 ?
Alain Bauer avait pourtant employé des mots très forts : « Après des années de progrès, de remise en question des vieux critères machistes qui semblaient inscrits dans notre patrimoine culturel (…), nous sommes dans la première année de forte inversion d’un processus qui montre que les femmes sont en voie de « chosisation » ». Et d’ajouter, sur RMC : « La publicité, la pornographie (…) amènent aujourd’hui à se servir des femmes comme de punching balls ».
Quid de la prévention ?
« Le fait que les femmes sont davantage attaquées montre qu’elles sont considérées comme plus vulnérables », analyse Suzy Rojtman, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes. « Et cela pose plus généralement le problème de l’image des femmes dans la société, et celui de la prévention ». Instrument de prévention, justement, la formation des professionnels a été évacuée de la loi de juin 2010 sur les violences au sein du couple, « car cela aurait coûté trop cher, ce qui montre bien qu’il n’y a pas de réelle volonté politique ».
Suzy Rojtman rappelle également que le Collectif souhaitait que la loi concerne l’ensemble des violences, et pas seulement celle au sein de la famille. « C’est dans ce cadre, il est vrai, que se déroule la majorité des violences. Mais cela ne veut pas dire pour autant que c’est la seule bataille à mener ».
Augmenter les moyens
« Le sentiment d’insécurité des femmes au domicile comme à l’extérieur est plus que jamais prégnant », souligne en écho la rapporteure générale de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, la députée UMP Chantal Brunel. Pour elle, les conclusions de l’OND rendent plus urgente encore l’application de la loi de juin 2010. Encore faut-il que les dispositions prévues par la loi « soient accompagnées d’une augmentation conséquente de moyens adressés à la lutte contre ces violences. »
(1) Le bilan 2010 de l’OND ne se penche donc pas spécifiquement sur les violences commises contre les femmes à l’abri des regards. On y apprend par les chiffres généraux que le nombre de viols a dépassé les 10 000, comme en 2007 et 2008, après une légère baisse en 2009. Et que la baisse des violences, agressions et harcèlements sexuels reste très légère. Alain Bauer rappelle qu’en 2008, l’OND avait « déjà révélé l’ampleur des violences intrafamiliales dont l’essentiel étaient des femmes et des enfants et notamment des enfants de sexe féminin. »