À la télévision polonaise et au Parlement, les hommes discutent de l’avenir d’une proposition de loi anti-IVG, sans les femmes. Mais les Polonaises comptent bien se faire entendre pour faire respecter leurs droits.
« Je suis vraiment en colère contre ces mecs en costumes qui veulent décider de la vie de gens. » Cette déclaration à l’AFP d’Anna Blumsztajn, manifestante contre la nouvelle proposition de loi anti-IVG en Pologne, ne peut sonner plus juste. Alors que cette professeure de lycée manifestait dimanche 2 octobre, cintre à la main, à Varsovie, la chaîne TVN24 diffusait un débat entre politiques et experts sur le droit à l’avortement.
Sans complexe, c’est une émission 100% mâle que les Polonais.e.s ont pu suivre sur leur chaîne. « Mesdames. Nous affirmons que nous prenons soin de vos droits et des questions qui vous concernent. Ils sont extrêmement importants pour nous. Voilà pourquoi nous en parlons. Sans vous. Vous pouvez écouter ! », a tweeté avec ironie la journaliste polonaise Beata Biel.
Szanowne Panie. Otoz bardzo dbamy o Wasze prawa i sprawy. Sa dla nas niezwykle wazne. Dlatego o nich rozmawiamy. Bez Was. Mozecie posluchac! pic.twitter.com/aJdgYmzAaO
— Beata Biel (@beatabiel) October 2, 2016
À bien y regarder, cette émission hebdomadaire intitulée Kawa na Ławę, Café sur la Table, semble habituée à ne pas donner la parole aux femmes. Les 5 dernières émissions suivent en effet la même tendance. Il faut remonter au 10 juillet pour voir une femme invitée à la table des discussions.
Après les manifestations, la grève
Mais les Polonaises n’ont pas besoin de Kawa Na Ławę pour prendre la parole. Dimanche 2 octobre elles étaient 10 000 personnes (5 000 selon la police), vêtu.e.s de noir (la couleur de la mobilisation contre la proposition de loi, #CzarnyProtest), à manifester dans les rues de la capitale. C’est moins que ce qu’espéraient les associations féministes mais la protestation n’est pas terminée.
Cette fois les pro-choix ont choisi une journée de grève, lundi 3 octobre, comme moyen de mobilisation, s’inspirant du « women’s day off » en 1975 en Islande. Les femmes avaient arrêté de travailler pendant une journée pour montrer à quel point l’économie serait au ralenti sans leur participation. En Pologne, pour ce #CzarnyPoniedzialek, « lundi noir », l’ampleur sera certainement moindre mais les idées et soutiens ne manquent pas.
Bientôt un projet « moins restrictif » proposé par les sénateurs ?
Pour rappel, jeudi 22 septembre, le Parlement polonais a validé l’examen d’une proposition de loi, émanant du collectif ’Stop Avortement’, interdisant presque totalement le recours à l’IVG, sauf en cas de danger de mort pour la mère.
Lire : En Pologne, pro et anti IVG s’affrontent au Parlement
Cette proposition de loi, suivant son parcours législatif, doit donc bientôt être débattue en commission parlementaire. Mais même les autorités religieuses, pourtant favorables à une limitation extrême de l’IVG, ne soutiennent pas totalement le texte. En cause : la pénalisation des femmes. Le texte prévoit en effet une peine de prison allant de 3 mois à 5 ans pour les femmes qui auraient avorté.
Lire : En Pologne, la proposition de loi anti-IVG avance
Mais il semble que le retentissement international de cette proposition de loi, qui ferait de la Pologne le pays européen à la législation la plus restrictive en matière d’avortement, ait un effet sur les législateurs.
Le président du Sénat, Marek Karczewski, a déclaré travailler sur un texte « moins restrictif ». Selon Polsat NEWS, ce projet autoriserait l’IVG dans les cas d’actes criminels et de menace sur la vie de la patiente. Actuellement dans le pays, l’IVG est autorisée pour trois raisons : en cas de malformation du fœtus, de menace sur la santé de la mère ou de viol/inceste. Pas sûre que ce texte, présenté comme un compromis, satisfasse les militant.e.s pro-choix.