Ce documentaire réalisé par Myriam El Hajj nous fait découvrir le Liban sous un nouvel angle. Corruption, révolution, explosion du port de Beyrouth, les femmes sont en première ligne du combat pour survivre dans un pays en crise. En salle le 15 octobre.
Que sait-on du Liban ? Que c’est un pays qui a souffert d’une guerre civile interminable, de la faillite de ses banques, de l’explosion meurtrière d’un dépôt d’explosifs dans le port de Beyrouth. On connait moins en France ce nouvel élan démocratique né en octobre 2019 et porté par une véritable révolution. « Journal intime du Liban » nous permet de découvrir le pays de l’intérieur, de 2018 à 2021, via un triple portrait d’habitants de Beyrouth. Georges, combattant vétéran de l’ancienne génération, y côtoie (sans jamais les croiser) deux femmes de la nouvelle génération : Joumana candidate députée, Perla artiste chanteuse engagée. Myriam El Hajj, la réalisatrice, est le quatrième personnage de ce film « Certes, très souvent j’étais tiraillée entre l’urgence de filmer et celle de crier comme les personnages durant la révolution d’Octobre 2019. Mais très vite j’ai compris que mon rôle dans la révolution était de vivre les évènements derrière la caméra. »
Joumana Haddad croit à la politique : élue députée au tout début du film, elle apprend le lendemain matin qu’elle n’est finalement pas élue. Elle ne baisse pas les bras et continue le combat contre la corruption, manifestant dans la rue, ouvrant un lieu collectif et engagé. La chanteuse activiste Perla Joe croit elle aussi à la révolution de la rue, dans laquelle elle se plonge en octobre 2019 avant de la voir s’éteindre avec l’arrivée du Covid. Leurs rêves de changer le pays, comme ceux de nombreux jeunes libanais, se heurtent à l’indifférence du gouvernement, à la faillite, suivie de l’explosion du port de Beyrouth qui fit 220 morts et 6500 blessés.
Face à l’avalanche de catastrophes qui touche ce pays « maudit sur trois générations », Georges, le vétéran, ne croit plus en rien. Mais pas Joumana, qui ouvre un nouveau bar culturel et militant, ni Perla qui continue de chanter en public malgré les menaces. Pour la réalisatrice qui déteste le mot « résilience », ce film a été avant tout réalisé pour lutter contre l’oubli : « Aujourd’hui, nous manquons d’images. Il ne faut pas que les politiciens soient les seuls à détenir le narratif de ce que l’on a vécu. Il est nécessaire que le point de vue de la société civile puisse exister. »

Depuis la fin du montage du film, le Liban a été frappé par les attaques d’Israël à l’automne dernier, mais cela ne sera pas documenté par Myriam el Hajj, qui travaille désormais à un projet de fiction avec un réalisateur iranien. Mais d’autres réalisateur.ice.s reprennent le flambeau.
« Journal Intime du Liban » de Myriam el Hajj, documentaire (France Liban 1h50), produit par Gogogo Films et Abbout Productions, distribué par Les Films des Deux Rives. Avec la participation de Georges Moufarej Joumana Haddad Perla Joe Maalouli. En salle le 15 octobre

Née à Beyrouth, Myriam el Hajj est une jeune réalisatrice de documentaires et de fictions au regard engagé. Elle enseigne le cinéma à l’Académie Libanaise des Beaux-Arts (ALBA), depuis plus de 10 ans à former une nouvelle génération de cinéastes libanais. Issue d’une famille de combattants, elle a interviewé ses oncles et leurs amis. Son premier long-métrage documentaire Trêve (2015) suit ces anciens miliciens de la guerre civile libanaise qui a duré de 1975 à 1990. Son deuxième film a reçu le Grand Prix du Jury aux Champs-Elysées Film Festival et de nombreux prix dans les 50 festivals où il circulé. Myriam el Hajj est membre fondatrice de l’association Rawiyat-Sisters in Film, qui soutient les femmes réalisatrices du monde arabe et de la diaspora.