Le Secours Catholique publie un rapport alarmant sur la pauvreté. Une analyse genrée du phénomène qui appelle à des solutions adaptées.
En 20 ans, la part des femmes accueillies par le Secours Catholique est passée de 52,6% à 57, 5% et elle ne cesse de s’accroître. L’association braque les projecteurs sur leur situation dans son rapport intitulé cette année « Pauvretés : les femmes en première ligne ».
C’est d’abord le constat d’une aggravation rapide et forte de la pauvreté qui est dressé par l’association : le niveau de vie médian des personnes accueillies est passé de 579€ mensuels en 2021 à 538€ en 2022, des montants qui représentent moins de la moitié du seuil de pauvreté en France (1211 €). Les causes sont à la fois une augmentation des charges due à l’inflation élevée des prix des produits alimentaires (20% en deux ans) et de l’énergie, et un manque de ressources qui s’aggrave, causé notamment par l’exclusion croissante du marché du travail de certaines populations : 61% des personnes accueillies par l’association sont des « inactifs » dans les classifications administratives.
Les femmes plus vulnérables
Tout au long de ce rapport riche en chiffres et en verbatim, le Secours Catholique dessine un visage peu connu de la pauvreté en France et livre des éléments de compréhension. Pour l’association, les femmes sont devenues la majorité de personnes accueillies car elles cumulent les facteurs de vulnérabilité et ceux-ci sont d’abord « liés au rôle que la société leur assigne ».
L’association le constate, les femmes assument largement la responsabilité des enfants et le font de plus en plus seules, ainsi parmi les familles avec enfants accueillies, 52,6% sont des mères isolées. Les femmes subissent davantage le poids des ruptures conjugales, et globalement 62% des femmes rencontrées sont le seul adulte de leur ménage pour 51% d’hommes dans la même situation.
Les discriminations du marché du travail à l’égard des femmes sont aussi pointées. Ainsi, le rapport indique que si les femmes accueillies sont plus actives que les hommes, elles sont aussi plus nombreuses à travailler à temps partiel (34% contre 16% des hommes accueillis) et par conséquent, leurs revenus sont très limités et les laissent en situation de grande précarité.
Dispositif administratif inadapté
L’association dénonce également la situation des femmes dites « inactives », 61% des femmes accueillies. Le rapport pointe l’inadaptation du qualificatif administratif « inactives » car les équipes de l’association le constatent, ces femmes « effectuent un boulot de dingue », à la recherche d’alimentation pour la famille, en charge des enfants, aidantes de parents ou de proches et, au-delà du terme inadapté, l’association regrette l’absence de reconnaissance par la société de ces activités indispensables.
Ces vulnérabilités des femmes prennent différent visages mais sont présents tout au long de la vie et de grandes catégories se dessinent : des jeunes femmes très éloignées de l’emploi car en charge d’enfants (7% des femmes accueillies), des femmes étrangères exclues du marché de l’emploi et des mécanismes d’aide (29%), des femmes actives aux revenus trop faibles pour couvrir les dépenses incompressibles (38%), des femmes plus âgées isolées rencontrant une précarité sur le plan de la santé du fait de leur isolement (11%).
Des mesures pour lutter contre la précarité
Le Secours Catholique demande des actions concrètes et propose des solutions pour remédier au constat sans appel dressé tout au long des pages de ce rapport : 20 000 places d’hébergement sont nécessaires ainsi que davantage de logements sociaux locatifs, il faut régulariser pour les intégrer les personnes exilées qui travaillent. L’association plaide pour une politique sociale véritablement tournée vers les personnes éloignées de l’emploi et une reconnaissance de l’activité des inactifs : « Pouvoir subvenir à ses besoins essentiels, et plus encore épargner à ses enfants les affres de la pauvreté : voilà ce que demandent des femmes en précarité pour pouvoir garder la tête haute. Voilà aussi une promesse constitutionnelle : ‘La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement’ ». ».
Indispensable analyse genrée
A la lecture de ce rapport, on comprend que l’on ne comprend rien à la pauvreté et à ses causes si l’on fait l’impasse sur une analyse genrée de la situation des personnes, et sans cela, on ne peut pas non plus apporter des réponses efficaces.
Pour convaincre les pouvoirs publics qu’il faut agir en profondeur et de façon genrée pour remédier à la pauvreté en France, il faudra que d’autres grandes associations apportent aussi leur voix à ce message. Il faudra aussi que les médias donnent de l’écho à cette analyse genrée de la pauvreté faite par le Secours Catholique. Si la plupart des médias l’ont reprise, certains grands journaux ont cependant ont préféré faire une restitution du rapport en supprimant le message central sur la pauvreté croissante des femmes…
1 Commentaire
Bonjour
Quels sont les grands journaux qui ont supprimé le message sur la pauvreté croissante des femmes ?