Aux coups de mentons autoritaires et signes extérieurs de puissance opposant par exemple le patron de Titan et le ministre du Redressement productif, les hommes néerlandais préfèrent le dialogue et l’écoute, l’égalité avec les femmes… Par Sophie Perrier
A priori, tout sépare le PDG américain du fabricant de pneus Titan, Maurice Taylor, qui a décidé de ne pas reprendre l’usine de pneus de Goodyear à Amiens, et Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif : le premier qui semble sortir de son ranch affirme dans sa langue de cowboy qu’il méprise la force ouvrière française. Le second en défenseur de cette force ouvrière prend une posture chevaleresque et s’indigne dans un français des plus châtiés.
Et pourtant, Américain ou Français, tous deux font preuve, dans leur style respectif, d’un machisme bien relevé :
1. La démonstration de force : Maurice Taylor fait un pied de nez au ministre en laissant sans aucun regret tomber l’usine d’Amiens, avantageusement remplacée selon lui par une usine de pneu indienne ou chinoise. Réaction du tac au tac du ministre : il va faire surveiller de près – comprenez : potentiellement bloquer – les pneus importés en France par Titan.
2. Rabaisser l’autre : Taylor méprise publiquement ces « soi-disant ouvriers français qui ne travaillent que 3 heures par jour ». Réponse au même niveau de Montebourg, dénigrant Titan qui « est 20 fois plus petit que Michelin et 35 fois moins rentable ».
3. Montrer son sex-appeal (au cas où des femmes écouteraient) : là, les méthodes divergent. Maurice Taylor exprime basiquement son penchant pour « les belles femmes françaises et le vin fantastique », Arnaud Montebourg, plus subtil, montre sa culture et sa sensibilité en évoquant « le sacrifice des jeunes soldats américains sur les plages de Normandie… »
Il est un pays où ce combat du coq contre l’aigle a peu de chances de se produire : les Pays-Bas. Au plat pays, il n’est pas de bon ton de montrer sa domination physique, de jouer des gros bras, ni d’exposer sa culture pour briller publiquement. Les Néerlandais sont des anti-machos par excellence. Au pays du nivellement social, il ne faut pas se vanter de sa position sociale ni de son argent, et certainement pas du nombre de femmes avec lesquelles on a partagé le lit. Contrairement aux latins qui en imposent en « claquant » de l’argent, se montrant avec une grosse voiture, faisant des cadeaux parfois somptueux, ces calvinistes restent économes et modestes.
Bien avant que François Hollande refuse de loger à l’Elysée, les ministres néerlandais arrivaient en vélo à leur ministère, tandis que les députés en jean pullulaient sur les rangs de la 2e Chambre néerlandaise. Au lieu de vouloir impressionner et susciter la crainte, les patrons néerlandais encouragent les décisions collaboratives, discutent avec le même naturel avec la femme de ménage qu’avec un membre du conseil d’administration. Dans ce pays, leur bon cœur et leur esprit d’équipe sera autant valorisé que leur force de décision et leurs grandes idées. Pas de Starsky et Hutch non plus au pays des tulipes : les policiers sont souvent… des femmes ! Et les hommes adoptent eux aussi l’approche très féminine de l’écoute et du dialogue.
Aucun doute que les hommes néerlandais ont une longueur d’avance sur les Français. Ils ont créé un modèle familial et sociétal fondé sur le dialogue et l’égalité homme-femme – gare aux machos ! L’homme néerlandais s’intéresse aux problèmes de sa femme et peut en discuter jusque tard dans la nuit. Il partage les tâches ménagères à hauteur des horaires professionnels des 2 parties. Or, un homme sur quatre travaille dans ce pays à temps partiel ! Le Hollandais est de très loin en tête de peloton mondial, les Danois ne les suivant qu’avec 12%. Quant aux Français, ils sont en fin de course avec seulement 6%… Alors, pendant que notre coq français et notre aigle américain s’égosillent à coup d’invectives publiques, le Néerlandais a de quoi rafler la mise en toute sérénité.
Sophie Perrier, auteure de l’Anti-Macho, Payot, février 2013. Sophie Perrier a vécu 10 ans aux Pays-Bas où elle a été correspondante de Libération, France Culture et la RTBF.