Pour vous aider à choisir parmi les quatorze (!) nouveaux films qui sortent en salle le 13 juillet prochain, je vous en propose deux : un français et un iranien. Les deux, très différents et très réussis, évoquent les féminicides. Le second est Les Nuits de Mashhad de Ali Abbasi.
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Vous en avez peut-être entendu parler au moment du festival de Cannes : l’actrice principale de ce film, Zahra Amir Ebrahimi, y a reçu le prix d’interprétation en mai dernier. Elle incarne une jeune journaliste venue de Téhéran pour enquêter sur un tueur, fait divers célèbre en Iran : en 2001, dans la ville sainte de Mashhad, un homme a tué seize prostituées avant d’être arrêté. Il appelait les journaux pour se vanter de chaque crime, en héros « nettoyeur du mal ».
Le réalisateur Ali Abbasi n’avait pas l’intention de réaliser un film de serial-killer comme les autres. « Ce film est autant un manifeste politique qu’un regard global sur la société, et si je ne pense pas que la société iranienne soit perverse, je crois vraiment que la vision de la réalité en Iran est dévoyée, notamment dans la manière dont le corps des femmes est représenté au cinéma. Elles ont été dépossédées de leur humanité et réduites à des créatures sans existence propre dont le visage est emmitouflé sous le tissu. »
Ainsi la véritable héroïne de ce film est une jeune journaliste, Rahimi, allant jusqu’au bout de son enquête malgré tous les obstacles, jusqu’à mettre sa propre vie en danger.
Son courage rappelle le courage de la comédienne elle-même : sa carrière en Iran dans de nombreux films et séries télévisées était au plus haut quand une fausse sextape a fuité, la forçant à se réfugier en France en 2008 pour éviter d’être emprisonnée. Comédienne et réalisatrice, elle a également monté sa propre société de production à Paris. « Zar Amir Ebrahimi a été à mes côtés depuis le début sur ce projet, précise le réalisateur, et s’il y a bien quelqu’un qui pourrait être coauteur du film en dehors de moi et des producteurs, c’est elle. »
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Après son discours très émouvant sur la scène du Palais des Festivals de Cannes, la comédienne a redit aux journalistes sa fierté de recevoir ce prix en y associant ses compatriotes : « Être présente ici ce soir est un message pour les femmes, notamment les femmes iraniennes. Certains en Iran veulent que je sois invisible, à la fois dans la vie et dans le cinéma. Pourtant je suis ici avec ce Prix. C’est là notre pouvoir, celui des femmes. »
Les Nuits de Mashhad a été tourné en Jordanie et condamné par le gouvernement iranien dès sa présentation à Cannes. Ali Abbasi vit en Europe depuis vingt ans d’où il peut réaliser ses films. Mais dans leur propre pays, la parole des réalisateurs Iraniens est de plus en plus bâillonnée : trois des plus brillants d’entre eux, Mohammad Rasoulof, Mostafa Aleahmad et Jafar Panahi ont disparu début juillet. Personne ne sait où ils sont emprisonnés.
Les Nuits de Mashhad d’Ali Abbasi. Avec Zar Amir Ebrahimi et Mehdi Bajestran. Production : Profile Pictures et One Two Films. Distribution Metropolitan. Fiction de 1h57. Compétition officielle à Cannes en 2022, prix d’interprétation féminine.
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