
Amy Coney Barrett – Wkimedia commons
Malgré l’élection de Joe Biden, le droit à l’IVG risque un revirement sans précédent avec Amy Coney Barrett à la Cour Suprême.
L’arrêt historique Roe v. Wade de 1973 qui entérine le droit à l’avortement aux Etats-Unis est dans la ligne de mire des conservateurs américains depuis plusieurs années. Et la nomination d’Amy Coney Barrett à la Cour Suprême pourrait bien faire basculer la balance en leur faveur. En droit, aux Etats-Unis, la Cour Suprême juge la conformité des lois à la constitution et elle en est « l’interprète ultime » avec des variantes selon l’orientation des neuf juges qui la composent. Dès l’accès au pouvoir de Donald Trump, le vent avait commencé à tourner. Son vice-président Mike Pence promettait de « renvoyer Roe v. Wade dans les poubelles de l’Histoire » (Lire : Le droit à l’avortement sous la menace de Trump).
En désignant in extremis Amy Coney Barrett (confirmée par le Sénat le 26 octobre) pour succéder à Ruth Bader Ginsburg , Trump a poursuivi le travail de sape. La nouvelle juge est déjà bien connue du cercle très conservateur républicain.
Sur la question de l’influence de ses convictions personnelles sur ses futures décisions à la Cour Suprême, Amy Coney Barrett esquive le sujet. Interrogée sur la décision de 1973, elle répond : «J’ai tendance à être d’accord avec ceux qui disent que le devoir d’un Juge est envers la Constitution et qu’il est donc plus légitime pour lui de faire respecter sa meilleure compréhension de la Constitution plutôt qu’une décision qui la contredit.» Une lecture de la Constitution qui relève du mouvement de l’«originalisme» selon lequel la Constitution doit être interprétée en accord avec la signification qu’elle avait à l’époque de son adoption. Autrement dit, en accord avec des principes établis au 18ème siècle, ce qui revient à nier l’évolution de la société et donc des droits des individus qui la composent.
En 1998, Amy Coney Barrett écrit dans un article universitaire que «l’avortement est toujours immoral». En 2006, elle signe une pétition contre l’IVG. En 2012 elle se prononce contre la prise en charge des moyens de contraception par les assurances maladies. Depuis sa nomination comme juge à la Cour d’Appel des Etats-Unis en 2017, elle s’est prononcée à plusieurs reprises pour un durcissement de l’accès à l’IVG.
Qu’en serait-il si la décision de la Cour Suprême de 1973 était renversée ? Le droit à l’avortement serait légiféré Etat par Etat. Dans le Mississippi, le Nebraska et le Missouri, plus de 95% des comtés ne comptent plus aucune clinique pratiquant l’IVG. Depuis 2017, au Texas les avortements ne sont pas remboursés par l’assurance maladie. En 2019, l’Alabama a présenté un projet de loi pour interdire l’avortement dans presque toutes les situations. Depuis 2010, plus de 424 projets de loi contre l’avortement ont vu le jour.
Historiquement, la Cour est tenue par ses décisions. Mais toute règle connait des exceptions. Si jusqu’à maintenant elle n’est jamais revenue sur l’arrêt Roe V. Wade qui rend anticonstitutionnelle toute loi interdisant l’avortement, il n’est pas impossible que la cour suprême opère un revirement. Le précédent peut céder si la majorité des juges le décident. Avec AmyConey Barrett, 6 des 9 juges de la Cour Suprême font partie du camp conservateur.