Le Jury de Déontologie de la Publicité rend un avis sans équivoque à l’encontre de la pub qui clamait : « Téléchargez aussi vite que votre femme change d’avis ». Et contre celle d’une école de conduite qui jouait avec le fantasme de la prostitution.
« Téléchargez aussi vite que votre femme change d’avis » : la campagne publicitaire émise par Numericable en début d’année était bel et bien sexiste. Elle ne respecte pas les dispositions de l’article 2 de la Recommandation « Image de la personne humaine ». C’est l’avis du Jury de Déontologie de la Publicité (JDP) rendu public le 2 avril. C’est également le cas de la publicité d’une école de conduite qui invitait à « prendre » une femme.
Dans le cas de Numericable, le gendarme de la pub avait été saisi d’une plainte du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) et de plaintes de plusieurs citoyen.ne.s. Dans sa décision, il indique que Numericable – et l’agence Fred & Farid, conceptrice de la campagne – n’a pas respecté cette règle déontologique selon laquelle « la publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son appartenance à un groupe social, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société ».
Dévalorisation, infériorité
Le jury relève que ce slogan reprend le dicton « souvent femme varie, bien fol qui s’y fie » et ainsi « véhicule l’idée que les femmes changent souvent et rapidement d’avis, ce qui sous-tend l’idée qu’elles ne sont pas capables d’une réflexion construite et fiable. Ce stéréotype est donc dévalorisant pour les femmes ». Le JDP va plus loin en soulignant que ce stéréotype « a d’ailleurs au cours de l’histoire permis de justifier qu’elles soient privées de droits fondamentaux, comme celui de voter ou de gérer leur patrimoine et qu’elles ne se voient confier que des tâches subalternes sans responsabilités ».
La prendre pour un euro par jour ? Pas question
Autre condamnation, celle d’une auto-école qui présentait une auto-stoppeuse avec le slogan « Vous pourriez la prendre pour un euro par jour » (nous en parlions ici). Le JDP voit là une publicité qui « réduit la femme à la fonction d’objet et cautionne ainsi, en le banalisant, le préjugé ancien et tenace d’infériorité des femmes, en réduisant leur rôle dans la société ». Le jury relève que « l’association de la photo et du slogan joue sur un double sens du verbe ‘prendre’, transporter un autostoppeur ou posséder une femme ». Et que « si la vision d’ensemble de la photo, paysage, attitude de la jeune femme, présence de la valise, conduit tout à fait à comprendre que l’offre publicitaire porte sur la possibilité de passer son permis de conduire afin d’être en mesure de « prendre » la jeune fille en autostop, il n’en demeure pas moins que ce double sens, utilisé semble-t-il dans une intention humoristique, renvoie aussi à l’opportunité de bénéficier d’une prestation sexuelle tarifée ».
Pas de parallèle masculin
Au lendemain de sa publicité évoquant les femmes, Numericable avait publié un deuxième volet, moquant cette fois les hommes avec ce slogan : « Téléchargez aussi vite que votre mari oublie ses promesses ». Mais le JDP relève que cette façon de contrebalancer le message sexiste « n’atténue pas l’effet néfaste » du slogan visant les femmes, « parce que les hommes ne sont pas les victimes de discriminations du seul fait de leur sexe, d’autre part, parce qu’il n’existe aucun stéréotype d’ordre général selon lequel les hommes, pris dans leur ensemble, ne tiendraient pas leurs promesses ou leurs engagements ».
L’auto-école avait elle aussi diffusé une version masculine de sa publicité, imaginée par l’agence de communication Groupe Alternative. Et pour le JDP ce parallèle, pour lequel il n’a pas reçu de plainte, n’est pas non plus « de nature à justifier » le sexisme de la version féminine.
Responsabilité
Dans un communiqué, le HCEfh « se réjouit » que le JDP « reconnaisse la présence de stéréotypes de sexe et la condamne. Aux côtés des pouvoirs publics, il en va de la responsabilité des acteurs de la publicité de ne pas reproduire les stéréotypes de sexe. Il en va également de la responsabilité de chaque citoyenne et citoyen. Le HCEfh invite chaque témoin de sexisme dans la publicité à saisir en ligne le JDP : http://www.jdp-pub.org/Deposer-une-plainte-relative-au-contenu-d-une-publicite.html. »
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