
Photo : Ulrike Lunacek le 3 février 2014 au Parlement européen
Un rapport du Parlement européen pour les droits des personnes LGBTI a été la cible des prétendus « défenseurs de la famille ». Qui ont à nouveau déformé la réalité.
Alors que le gouvernement français s’empêtre dans une nouvelle polémique en reportant le projet de loi Famille, des questions similaires ont été abordées au Parlement européen. Avec une même pression des défenseurs de la famille traditionnelle. Mais les eurodéputés, eux, n’ont pas reculé cette fois.
Le rapport Lunacek, ou plus précisément « Feuille de route de l’UE contre l’homophobie et les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre » (à télécharger ici) n’a pas valeur législative. Il s’agit d’un rapport de l’eurodéputée autrichienne Ulrike Lunacek, proposant des suggestions à la Commission européenne et aux Etats membres afin de protéger les droits fondamentaux des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI).
« Je ne m’attendais vraiment pas à une telle résistance »
Et ce rapport a été adopté à une très large majorité, mardi 4 février – 394 voix pour, 176 contre, les eurodéputés français de l’UMP ayant voté contre. La résistance sur les bancs du Parlement européen n’a pas été celle rencontrée par le rapport Estrela quelques semaines plus tôt (Voir : Revers pour les droits des femmes au Parlement européen).
Pour autant l’opposition était forte en dehors de l’enceinte, rappelait Ulrike Lunacek avant le vote : « Je ne m’attendais vraiment pas à une telle résistance à un rapport qui, dans le fond, parle du droit des gens à aimer et à vivre leur vie sans peur . » L’eurodéputée explique avoir reçu plus de 40 000 courriels et, « coïncidence ou pas, [s]on site web a été hacké ».
Selon une étude de l’Agence européenne des droits fondamentaux publiée en 2013, 47% des personnes LGBTI ont fait l’objet de discrimination ou de harcèlement, et 26% ont été attaquées physiquement ou menacées de violence ces cinq dernières années.
Comment les « anti- » détournent le texte
Pour étayer leur opposition à ce texte, la « manif pour tous » – à l’origine d’une pétition en ligne signée par plus de 200 000 personnes – et ses avatars européens ont une fois encore rivalisé de falsifications.
Des mensonges colportés par la droite extrême du Parlement européen, ou encore par Le Figaro. Le quotidien écrit sans recul que le rapport « invite les États membres à réfléchir à des moyens d’adapter leur droit de la famille aux changements que connaissent actuellement les structures et les modèles familiaux » et à « inclure la possibilité que les enfants aient plus de deux parents (tuteurs légaux), car cela ouvrirait la voie à une meilleure reconnaissance des familles arc-en-ciel ».
Le texte, poursuit le quotidien, « demande aux États membres de garantir l’accès des femmes célibataires ou lesbiennes aux traitements de procréation médicalement assistée ».
Enfin, écrit Le Figaro, le rapport « agite le chiffon rouge du ‘genre’ à l’école, en invitant les États membres à ‘favoriser un enseignement objectif des questions concernant l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression du genre’ ».
Autant de falsifications, car si ces préconisations existent, elles ne sont pas issues directement du texte d’Ulrike Lunacek. Il s’agit de suggestions apportées par la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres. Des suggestions qui ne sont pas reprises dans la version officielle du rapport adoptée par les eurodéputés.
Autre exemple de gros mensonge : selon la pétition, le texte affirme qu’un mariage homosexuel « devra pouvoir être reconnu même dans les pays qui l’ont refusé ». Cela n’apparaît nulle part dans le rapport.
En France, le recul sur la loi Famille
La stratégie est désormais classique. Ce sont de semblables manipulations qu’utilisent les opposants aux ABCD de l’égalité dans les écoles (Voir : « Anti-genre » : les manipulations passent les frontières).
C’est aussi de cette façon que la « manif pour tous » a martelé son opposition à la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA), mettant dans le même sac une mesure, la GPA, qui n’a jamais été d’actualité, et une autre, la PMA, qui doit être discutée dans le cadre d’un débat parlementaire.
Leur pression a payé puisqu’au lendemain d’une nouvelle manifestation le gouvernement a annoncé, lundi 3 janvier, que le projet de loi Famille ne serait pas débattu en 2014. Une décision qui a choqué une large partie de la gauche et nombre d’associations, et continue de faire polémique ce mardi 4 janvier.
L’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) par exemple « dénonce cette dérive, ce recul, ce manque de courage politique et de cohérence, véritables trahisons pour les familles homoparentales qu’elle représente, mais aussi pour la majorité des familles et des enfants français. »