La saison 2023 des prix littéraires confirme une tendance très nouvelle : les lauréats sont de plus en plus souvent des lauréates !
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Même si, cette année, le prestigieux Goncourt est revenu à Jean-Baptiste Andrea pour Veiller sur elle (éditions L’Iconoclaste), en 2023, les femmes de lettre décrochent de nombreux prix littéraires. Neige Sinno a obtenu le prix Femina pour Triste Tigre (P.O.L), Ann Scott le prix Renaudot pour les Insolents (Calman Levy), Dominique Barbéris le Grand prix du roman de l’Académie Française pour Une façon d’aimer (Gallimard), Maria Pourchet le prix de Flore pour Western (éditions Stock). Et les prix Médicis, remis ce jeudi sont décernés à un homme et trois femmes. Le Québécois Kevin Lambert obtient le prix du roman avec Que notre joie demeure. La romancière sud-coréenne Han Kang reçoit le prix du roman étranger pour Impossibles adieux (Grasset), un prix qu’elle partage avec la Portugaise Lidia Jorge pour Misericordia (Métailié). Et la récompense pour un essai de la rentrée revient à Laure Murat pour Proust, roman familial (Robert Laffont). Avant cette cuvée 2023, Brigitte Giraud avait reçu le prix Goncourt 2022 et Annie Ernaux le prix Nobel de littérature en 2022… Est-ce là le début d’une féminisation de ces prix, longtemps critiqués pour leurs biais sexistes et discriminants ?
Les grandes absentes des prix littéraires
En 120 ans d’existence, seules 13 femmes ont remporté le prix Goncourt, soit à peine 10%. Les autres prix littéraires prestigieux ne font pas mieux. Le prix Nobel de littérature n’a été attribué qu’à 17 autrices contre 102 hommes. Le Grand prix du roman de l’Académie Française, créé en 1914, n’a été remis qu’à 14 femmes… Dès le début du XXème siècle, lors de la création de ces prix, les féministes ont été nombreuses à dénoncer l’invisibilisation des femmes en littérature. C’est d’ailleurs ainsi que le prix Femina a vu le jour en 1904. Composé d’un comité 100% féminin, il ne récompense pas seulement les livres écrits par des femmes. Le but ? Promouvoir une juste considération de l’ensemble des livres, sans prendre en compte le genre de l’auteur.rice.
En 2013, encore, les militantes du collectif La Barbe sont montées au créneau. Elles s’étaient rendues au restaurant Drouant, lieu où le nom du gagnant du Goncourt est annoncé, afin de dénoncer l’entre-soi masculin des prix littéraires. « Nous entendons qu’il vous est fait quelque reproche, celui insignifiant de privilégier année après année vos virils pairs » avait alors déclaré l’une des Barbues. (Lire : Prix Goncourt et Renaudot : encore des hommes, la barbe !).
Recevoir l’un de ces prix rime avec grande renommée mais également avec confort économique. En priver les femmes, pendant plus d’un siècle a été une manière de les invisibiliser et d’accentuer les inégalités économiques entre hommes et femmes de lettre.
Objectif parité
Néanmoins, ces dernières années, les prix littéraires affichent la volonté d’inverser la tendance. Les jury des prix littéraires se sont ouverts. En 2023, le Goncourt compte 4 femmes sur les 10 juré.e.s. Plus tôt dans l’année, l’écrivaine Christine Angot a rejoint les membres de l’Académie du Goncourt, remplaçant ainsi l’écrivain Patrick Rambaud. Pour le prix Renaudot : 3 femmes sur 9. Encore très inégal, ce comité 2023 marque malgré tout une évolution. Dix ans plus tôt, en 2013, on n’en comptait qu’une seule (Dominique Bona)… La logique est pourtant simple : plus il y a de femmes dans les jury, plus il y a de lauréates. L’histoire du Goncourt en est la preuve : il faut attendre la nomination de Colette en 1945 au sein de l’Académie du Goncourt pour que la même année, pour la première fois, il soit attribué à une femme : Elsa Triolet.
On revient donc de loin et les évolutions sont très lentes. « À l’occasion du centenaire du Goncourt en 2003, j’ai regardé ce que nous recevions comme pourcentage de livres écrits par des femmes : ils représentaient 16% de ce qui nous était envoyé par les éditeurs. C’est donc normal qu’il n’y ait pas eu beaucoup [de lauréates], constatait Françoise Chandernagor, membre de l’Académie Goncourt depuis 1995, sur le plateau de C à vous en 2022, avant d’ajouter : Maintenant, je ne dirais pas qu’on est 50/50 mais pas loin ! Les éditeurs publient beaucoup plus de femmes et elles osent davantage présenter leur manuscrit. Quelque chose a changé dans la production littéraire ».
En épluchant scrupuleusement les listes des nominé.e.s des différents grands prix littéraires francophones (Goncourt, Renaudot, Femina, Médicis), on constate en effet une véritable avancée : en 2023, 22 femmes ont été sélectionnées sur un total de 51 auteur.rices. Pas à pas, les autrices gagnent du terrain.
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