Les programmes de prévention et de lutte contre le sida ne visent toujours pas spécifiquement les femmes et elles subissent des violences sexuelles souvent à l’origine des contaminations.
Comme chaque 1er décembre, la Journée mondiale de lutte contre le sida vise à prévenir et à sensibiliser sur l’infection au VIH, mais aussi à combattre la sérophobie et les discriminations que peuvent sibir les personnes séropositives. Selon Santé Publique France, en 2022, 31% des nouvelles découvertes de séropositivité en France concernaient des femmes. En Europe, elles représentent un tiers des personnes infectées. En France, on estime le nombre de femmes vivant avec le VIH à 40 000.
Bien loin des clichés homophobes entourant la maladie, les femmes et les jeunes filles représentent 49% des nouvelles infections dans le monde en 2021 : en Afrique Subsaharienne, 63% des personnes vivant avec le VIH sont des femmes, avec un risque deux fois plus élevés pour les jeunes filles de 15 à 24 ans d’être infectées que leurs camarades masculins. Les raisons de cette exposition sont multiples : d’une part, le risque de transmission du virus d’un homme contaminé à une femme est plus important, en raison de la plus grande surface des muqueuses et de la perméabilité du col de l’utérus. De plus, le risque de transmission peut être accru par des rapports violents ou forcés.
Les liens entre violences liées au genre et exposition au VIH sont étudiés depuis plusieurs années : selon une étude menée par des chercheurs de l’université McGill de Montréal, les femmes vivant avec le VIH et ayant vécu des violences conjugales au cours de la dernière année ont moins de chances d’avoir une charge virale indétectable, considérée comme étape ultime du traitement. Et l’exposition des femmes au VIH a ses explications sociales : elles ne sont pas toujours en mesure d’imposer ou de négocier un port de préservatif, et les sujets liés à la sexualité sont tabous.
Souvent invisibilisées dans les campagnes de prévention
Le VIH reste la première cause de mortalité chez les femmes de 15 à 44 ans dans le monde, et elles sont particulièrement vulnérables au virus, en raison des violences, de la précarité et du sexisme systémique qu’elles subissent. Pourtant, elles sont souvent invisibilisées, tant dans la prévention que dans les essais thérapeutiques : seulement 19% des participantes aux essais cliniques sont des femmes.
Les femmes apparaissent peu dans les politiques publiques et les campagnes de prévention, ou ne se sentent pas concernées. De plus, faute d’un accès facilité à l’information, moins de 3% des utilisateurs.trices de la Prophylaxie pré-exposition (Prep) en France sont des femmes. Cette invisibilisation s’explique aussi par l’intersectionnalité des discriminations vécues par les femmes séropositives en France : deux tiers d’entre elles sont issues de l’immigration, et sont triplement stigmatisées en tant que femmes, migrantes et séropositives.
L’association AIDES avait d’ailleurs lancé une campagne intitulée « Où sont les femmes ? », à l’occasion du 8 mars 2023, journée internationale des droits des femmes, pour dénoncer cette invisibilisation. Parmi ses revendications, l’association plaidait pour la création de campagnes nationales de sensibilisation et de prévention spécifiques aux femmes, notamment sur la Prep ; une inclusion systématique des femmes au coeur des recherches scientifiques ; une approche du dépistage et de soins par et pour les femmes ; et enfin une abrogation des politiques publiques répressives à l’égard des femmes marginalisées (migrantes, trans, travailleuses du sexe, usagères de produits psychoactifs…) qui amplifient leur vulnérabilité face au VIH.
Des inégalités d’accès aux traitements
En 2013, l’étude VESPA2 pilotée par l’INSERM montrait que si la prise en charge thérapeutique du VIH évoluait positivement, ce n’était pas le cas pour la situation sociale des personnes vivant avec la maladie. En effet, l’annonce de la maladie s’accompagne souvent d’une précarité économique, d’un isolement, et d’une difficulté d’accès aux soins, notamment pour les personnes migrantes et les femmes. Cette étude montrait que la précarité économique touchait encore plus les femmes vivant avec le VIH.
L’accès au soins des femmes vivant avec le VIH est très compliqué, en particulier pour les mineur.es non accompagné.es et les femmes précaires et/ou migrantes. A l’occasion de la journée de lutte contre le VIH en décembre 2022, le Planning Familial indiquait : « L’enquête PARCOURS réalisée en Ile-de-France auprès de femmes originaires d’Afrique subsaharienne a mis en évidence les facteurs augmentant l’exposition aux risques d’infection des femmes. Face à un environnement social marqué par l’insécurité au niveau de la situation administrative donc du travail, du logement, de l’isolement et du manque d’accès à la santé dans un contexte de précarité maximale, il a été montré qu’elles étaient victimes de violences puisqu’elles ont témoigné jusqu’à 4 fois plus souvent que les femmes non infectées avoir été victimes de rapports sexuels forcés ».
Le manque d’accès aux traitements résulte aussi d’un manque d’accès à l’information, et de la propagation de fausses informations et de fausses croyances. Dans un sondage Ifop pour le Sidaction en 2022, on apprenait que 23% des 15-24 ans pensent que le virus du sida peut se transmettre en embrassant une personne séropositive, ou 18% estiment encore que la pilule contraceptive d’urgence ou un produit de toilette intime peut empêcher la transmission de virus. Des chiffres qui démontrent la nécessité de renforcer -ou de faire exister!- les séances d’éducation à la sexualité au collège et au lycée. Une désinformation à l’origine de discrimination, comme l’explique Florence Thune, directrice générale de Sidaction.
La PrEP et ses espoirs
Pourtant, ces dernières années, la démocratisation de la PrEP (Prophylaxie Pré-Exposition), traitement médicamenteux qui empêche l’infection par le virus chez les personnes séronégatives, a donné de l’espoir pour de nombreuses associations. Cependant, depuis 2016, seulement 2,5% des personnes qui commencent la PrEP sont des femmes. Victimes de discriminations et de cliché sexistes sur leur vie affective et sexuelle, les femmes vivant avec le VIH sont invisibilisées. Pourtant, une personne séropositive sous traitement a une charge virale indétectable, et ne transmet plus le VIH !
Partout dans le monde, le 1er décembre est aussi l’heure du bilan : pour le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida, aussi appelé ONUSIDA, qui coordonne l’action mondiale contre le virus, il serait possible de mettre fin à l’épidémie du sida d’ici 2030. Parmi les objectifs du programme, le 95-95-95 : que 95 % des personnes vivant avec le VIH soient diagnostiquées, que 95 % de celles-ci suivent un traitement et que 95 % des personnes traitées aient une charge virale supprimée. Certains pays en ont fait un objectif à court terme, comme le Ghana.
Pour les femmes séropositives, il reste la question de la transmission du virus lors d’une grossesse ou pendant l’accouchement : ce risque est considérablement réduit par des traitements, et il y a de grandes chances pour que l’enfant naisse non contaminé. Les avancées médicales, quant elles sont accessibles aux femmes concernées, améliorent considérablement leur quotidien face à la maladie.