La Tunisie confirme dans sa constitution le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le Maroc est en passe de mettre un terme à l’indulgence à l’égard des violeurs. Des avancées législatives dans des pays où le chemin de l’égalité réelle reste long.
« Tous les citoyens, hommes et femmes, ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi, sans discrimination d’aucune sorte. » La nouvelle rédaction de l’article 5 de l’avant-projet de la constitution tunisienne, comme le reste du texte suprême, sont débattus depuis le 16 janvier devant l’Assemblée nationale constituante. Un principe d’égalité désormais inscrit noir sur blanc, ce qui n’était pas de cas quelques semaines plus tôt…
Dans sa première version, le texte évoquait la « complémentarité » des rôles au sein de la famille. Terme ambigu, il risquait de compromettre l’égalité entre les sexes. En érigeant en infractions les atteintes à la religion et aux « valeurs sacrées », la première version de la constitution mettait en péril la liberté d’expression et ouvrait la voie à la répression. S’en était suivie une polémique sur le projet, avant que le terme ne soit abandonné. Selon la future loi fondamentale, « L’état garantit l’égalité des chances entre les hommes et les femmes », une avancée symbolique dans la marche vers la parité.
Les droits des femmes connaissent des avancées dont cet exemple tunisien n’est que le dernier dans la région. Le pas de l’égalité sur le papier avait déjà été franchi par le Maroc dès le mois de décembre 2011 dans l’effervescence du printemps arabe. La nouvelle constitution marocaine consacrait dès lors « l’égalité des droits et libertés », l’article 19 ajoutant que « l’État œuvre à la parité » entre femmes et hommes.
Le Royaume s’engage un peu plus chaque jour sur cette voie avec la suppression attendue d’un article décrié du code pénal, rapporte le quotidien marocain Le Soir-Echos. Celui-ci permet au violeur d’une mineure d’échapper à la prison en épousant sa victime. Cette disposition, déjà contestée depuis plusieurs années par des associations, avait entraîné une forte mobilisation dans le pays après le suicide de trop en mars 2012, celui d’une jeune fille de 15 ans contrainte d’épouser son violeur. En plus de cette abrogation, soutenue par le gouvernement islamiste, les peines d’emprisonnement pour les auteurs de viol seront alourdies : la condamnation pourra aller jusqu’à 30 ans d’emprisonnement contre cinq aujourd’hui.
En attente de « garanties pour la non-régression et l’avancement des droits des femmes »
Cette victoire ne fait pas oublier aux défenseurs des droits des femmes ce qui reste encore le véritable fléau de la société marocaine : les mariages des mineur(e)s. De 29 847 en 2008, la barre des 34 000 a été franchie en 2010. Ces mariages sont l’un des nombreux cas de violence régulièrement dénoncés dans le pays par les associations de défense et d’écoute. Selon un de leurs rapports, 82 % de femmes marocaines sont victimes de violences conjugales. Elles sont aussi la cible d’agressions sexuelles (13 %), de violences juridiques (9 %) et de violences économiques (35 %). 11?% de Marocaines ont été violentées en dehors du domicile conjugal à travers le harcèlement, le viol, l’agression et la tentative de viol. Les femmes et filles célibataires ne sont guère mieux loties. Elles sont la cible de 50 % des actes de violences sexuelles, selon les chiffres relayés par le quotidien Le Soir-Echos en juillet 2012.
La différence entre le texte et les faits se fait également sentir en Tunisie. Alors que la législation tunisienne en matière de droits des femmes, sans équivalent dans le monde arabo-musulman depuis des décennies, permet l’accès au planning familial, à la contraception, reconnaît le divorce et impose le mariage par consentement mutuel, la situation se dégrade depuis la fin du printemps arabe. En témoigne la convocation par le juge en septembre 2012, d’une jeune femme violée par deux policiers et accusée « d’outrage à la pudeur ». Suite au scandale qu’avaient provoqué les poursuites à l’encontre de la victime, elles avaient été abandonnées et ses agresseurs devaient être traduits devant la justice.
A l’issue d’une visite en Tunisie, du 7 au 11 janvier, le « groupe de travail des Nations Unies chargé de la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et dans la pratique » appelait les autorités du pays à fournir davantage de « garanties pour la non-régression et l’avancement des droits des femmes en Tunisie ». C’est en juin prochain que ce groupe de travail doit rendre son rapport complet sur la situation dans le pays.