En Espagne, dans un petit village galicien de pêcheurs, Ramona s’occupe des autres et s’oublie complètement. Inspiré de faits réels personnels, le réalisateur Álvaro Gago rend visible l’invisible.
Matria était au départ un court métrage. Présenté au festival international du court métrage de Clermont-Ferrand en 2018, ce dernier avait marqué les esprits. Profond et impactant, ce court avait tout pour devenir un long métrage, comme le reconnait le réalisateur. « J’ai toujours su que je voulais en faire un long-métrage […] Il y avait encore énormément de dimensions à explorer dans le personnage de Ramona. » Si le rôle de Ramona a été repris par une autre actrice que celle du court, le long métrage fait honneur au court.
A l’origine, une femme : Francisca Iglesias Bouzón (l’actrice du court). Amie du réalisateur c’est elle qui a inspiré le personnage de Ramona au cinéaste. « Francisca a commencé à travailler chez mon grand-père, il y a plus de dix ans, lorsque ma grand-mère, est décédée. Il était déprimé et n’avait plus envie de sortir. Elle a débarqué dans cette maison tel un ouragan et lui a redonné goût à la vie. »
Un quotidien précaire et une force de caractère sans faille
Et cet ouragan, Álvaro Gago le retranscrit parfaitement dans Matria. Il nous entraîne dans le quotidien effréné de Ramona. Peu de temps morts pour celle qui se débat entre son travail, son mari qui sombre dans l’alcool, et sa fille partie s’installer avec son copain. Toutefois, malgré les embûches qui ne cessent de se dresser sur son chemin, elle ne baisse jamais les bras. La caméra la suit de près, nous faisant ressentir ce quotidien éreintant voire oppressant auquel elle est confronté. Grâce à son humour acerbe et à son côté « grande gueule », Ramona ne se laisse pas faire.
Dans la vraie vie, Francisca affirme qu’il valait mieux ne pas s’arrêter. Álvaro Gago explique avoir « toujours gardé cette réponse en tête, comme si cette cadence infernale la maintenait en vie. Sans ça, elle se mettrait à réfléchir à sa situation et ce serait certainement trop dur à supporter« . Si bien que le réalisateur a choisi d’explorer cette piste pour voir ce qu’il pourrait advenir de cette femme qui s’est toute sa vie dévouée aux autres. Dans Matria, Ramona va alors peu à peu lever le pied et peut-être enfin penser à elle…
Profondément humain, ce premier long métrage est une réussite. Avec Matria, le réalisateur rend un bel hommage à celle qui a aidé et accompagné son grand-père. « Je souhaitais qu’elle se sente vue, regardée. La plupart du temps, c’est le contraire. Elle m’a souvent dit à quel point elle se sentait invisible. »