A l’occasion de l’Euro en Angleterre, les footballeuses ont dit qu’elles souhaitaient ne plus porter de shorts blancs par souci de confort en période de règles. Avalanche de critiques sur les réseaux sociaux. Pourtant, les femmes pratiqueraient davantage de sports si le tabou des menstruations était levé.
Après la victoire de l’Angleterre en match d’ouverture contre l’Autriche, la buteuse Beth Mead faisait part au journal Telegraph de la demande de l’équipe de ne plus jouer avec des shorts blancs : « C’est une préoccupation dont nous avons fait part à Nike. J’espère qu’ils vont changer cela. L’ensemble blanc est très beau mais ce n’est pas pratique pour nous en période de menstruation ». En effet, en période de règles, les joueuses ne sont pas à l’aise, craignant toujours de voir une tâche apparaître sur le short.
Du côté de la France, la capitaine des Bleues, Wendie Renard, a exprimé son soutien aux anglaises lors d’une conférence de presse et glissé une petite phrase indiquant que l’équipe de France serait bien partante pour que leur équipementier commun fasse de même pour elles : « Je félicite les Anglaises pour ça et s’ils peuvent faire la même chose pour nous ça serait cool.» Le tabou qui entoure ce sujet n’ayant jamais été évoqué publiquement par les joueuses françaises, la réponse de Wendie Renard était donc très scrutée et elle s’en est très bien sortie. A la question, posée par un journaliste masculin, la joueuse a répondu qu’ils avaient tous une mère ou des sœurs qui sont aussi dans cette situation. Une réponse simple : même si elles sont des sportives de haut niveau, elles sont avant tout des femmes.
Bien que cette demande apparaisse comme une évidence pour de nombreuses femmes et en particulier les sportives, cette déclaration et le soutien de Wendie Renard ont enflammé les réseaux sociaux. Si quelques femmes ont jugé futile ce débat, la majorité des commentaires négatifs ou insultants provenaient d’hommes. Ces derniers, pourtant pas concernés par la menstruation, n’ont pas hésité à donner leurs avis (le fameux mansplaining !) bien souvent très critiques et insultants envers les footballeuses : « Le foot n’est vraiment pas fait pour les femmes », «Pourtant les hommes dont on veut être l’égal sur tous les plans jouent aussi en short blanc, non », « Avec toutes les protections qui existent aujourd’hui, il faut qu’elles arrêtent. Sinon, elles jouent au baby foot », « En même temps, c’est un sport de mec à la base, non ? », « Le foot féminin c’est 95% de politique et marketing, 5% de jeu », « Ça veut l’égalité salariale mais pas les mêmes shorts ! » Et la liste est encore longue !
Parmi les critiques, celle de l’égalité est souvent évoquée. Sous prétexte que les joueuses réclament l’égalité salariale, celles-ci devraient tout faire comme les hommes. Une logique toute masculiniste…
Jusqu’ici, les sportives abordaient la question des règles avec timidité. Lors du tournoi de Roland-Garros en juin dernier, la chinoise Quinwen Zheng expliquait en conférence de presse après son élimination en huitièmes de finale que des douleurs au ventre l’avaient rattrapée, « des trucs de filles » comme elle a déclaré sans oser mentionner le terme de règles, preuve que ce sujet est toujours aussi tabou dans notre société. Plus récemment, c’est la joueuse de tennis britannique, Alicia Barnett qui se réjouissait que le sujet de la menstruation soit tout de même de plus en plus évoqué dans le milieu sportif et que ce tabou se brise peu à peu : « Je pense que certaines traditions pourraient être modifiées. Je suis une fervente militante des droits des femmes et je pense que cette discussion est tout simplement incroyable, que les gens en parlent maintenant ». Par tradition, celle-ci fait référence au tournoi de Wimbledon qui, depuis sa création en 1877, oblige les joueurs et joueuses à jouer tout de blanc vêtu·e·s. Mais en période de règles, les sportives n’apprécient pas autant cette tradition, source de stress supplémentaire pour elles.
Une étude menée par les sociétés mondiales PUMA et Modibodi® sur la raison pour laquelle les jeunes filles cessent leur pratique sportive à l’adolescence, est sans équivoque : 1 fille sur 2 arrête le sport en raison de ses règles. Dans un communiqué de presse, publié le 2 mai 2022, Kristy Chong, PDG et fondatrice de Modibodi précise que « 3 adolescentes sur 5 sautent le sport par peur de fuir ou de révéler leurs règles ». Le communiqué explique également que l’enquête mondiale a révélé que « pour de nombreuses filles, le sport s’arrête en raison de la gêne, de la douleur ou de la peur des fuites pendant leurs règles. Les résultats de l’enquête montrent comment la culture et le manque d’innovation autour des règles empêchent les filles de participer au sport […] Les joueuses trouvent que la peur des fuites a un impact psychologique sur leurs performances sportives ».
Espérons que la requête des footballeuses anglaises et la médiatisation dont elles bénéficient actuellement avec l’Euro qui se déroule en Angleterre permette de lever un tabou et d’améliorer leurs conditions de travail. Car même s’il ne s’agit que d’une couleur de short, l’impact psychologique est important.