La révolution s’organise sur Instagram. Une centaine d’illustrateurs et d’illustratrices expriment leur opposition suite à l’annonce de l’inauguration de la station de métro Serge Gainsbourg aux Lilas.
« Remplacer Serge Gainsbourg par : Anne Sylvestre, France Gall, Monique Wittig, Annie Ernaux… ». La révolte gronde sur Instagram. Depuis le 16 février, suite à l’initiative des dessinatrices Cécile Cée, Ludynamite et Marie G, une centaine d’illustrateurs et d’illustratrices mettent leur crayon au service du mouvement de contestation contre le projet de station de métro Serge Gainsbourg.
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Pour rappel : la ligne 11 du métro parisien se prolonge de six nouvelles stations. Pour celle des Lilas, c’est le nom du musicien qui a été choisi. Les élus locaux, la RATP et le réseau Île-de-France Mobilités ont collectivement souhaité rendre hommage à la célèbre chanson « Le poinçonneur des Lilas » de Gainsbourg, sortie en 1959. Un choix qui fait suite à une demande déposée par Jane Birkin, artiste et ex-compagne du chanteur.
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Célébration d’une énième figure de patriarche
Les opposant.e.s au projet n’en démordent pas. Depuis le mois de novembre 2023, une pétition circule afin que le projet de nomination de la future station de métro soit modifié. Elle a récolté plus de 16 000 signatures en quelques semaines et a depuis été soumise à la mairie des Lilas. « En 2024, il n’est plus acceptable de choisir de célébrer ce personnage » revendiquent-ils dans un communiqué. La pétition dénonçait déjà « les violences envers les femmes et les tendances pédocriminelles, voire incestueuses, de Serge Gainsbourg (pour ne citer qu’elles) [qui] sont de notoriété publique, et nous sommes révolté.e.s que sa personne soit mise à l’honneur dans le métro de Paris ».
Alors que la Maison Gainsbourg rue de Verneuil à Paris, devenue musée, affiche complet, la figure du musicien continue d’être célébrée et protégée, occultant ainsi la part sombre de Serge Gainsbourg. Un communiqué rappelle que « ce chanteur, qui a non seulement romantisé l’inceste, les féminicides et les violences sexuelles dans toute son œuvre, a commis d’innombrables agressions sexuelles en public », de France Gall à Whitney Houston, en passant par Jane Birkin et Charlotte Gainsbourg…
Protester en BD
Pour la dessinatrice Cécile Cée, célébrer Serge Gainsbourg en 2024 « c’est un gros non ! ». En septembre, elle publie une mini BD sur Instagram où elle décortique cette figure patriarcale et dissèque la culture de l’inceste présente dans l’ensemble de l’œuvre de Gainsbourg. Elle brise ainsi l’omerta autour du musicien. Depuis, la mobilisation a gagné de nombreux.euses artistes présent.e.s sur le réseau social. Dans les publications, Anne Sylvestre, France Gall ou encore Judith Godrèche sont mises à l’honneur. Des femmes dont l’œuvre a constamment été sous-estimée et qui ont été victimes de violences tout au long de leur vie, aussi bien personnelle que professionnelle. Une manière aussi de dénoncer l’absence des femmes dans l’espace public, que ce soit le nom des rues ou des stations de métros qui rendent hommage aux « grands hommes » de l’Histoire. « Nous, artistes de 2024, refusons que l’art et la culture servent encore de caution morale à l’apologie de crimes sexuels, de la culture du viol et de l’inceste » martèlent-ils à l’unisson.
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Face aux revendications des riverain.e.s, la Ville des Lilas reconnaît être en accord sur le fond de l’affaire et déclare même qu’il lui est possible de faire la demande à Ile-de-France Mobilités pour changer le nom. Toutefois, elle ne veut pas payer les coûts du rétropédalage… « Nous nous mobilisons afin de montrer à la mairie des Lilas que sa démarche serait largement soutenue par toutes les personnes qui veulent agir pour mettre un frein à la culture du viol et de l’inceste. » déclarent les dessinateurs et dessinatrices engagé.e.s.