La mobilisation des femmes de chambre du Palace Hyatt à Paris a payé, en partie. Ces soutières de l’hôtellerie de luxe ont réussi à améliorer leurs contrats mais restent dans la sous-traitance.
Pendant deux jours, elles ont tambouriné, chanté et dansé devant les façades luxueuses de la rue de la Paix et de la place Vendôme. Après cinq jours de grève, les femmes de chambre du Palace Hyatt ont obtenu, en partie, gain de cause mardi 24 septembre. Il faut dire que leur mobilisation coïncidait avec la « semaine de la mode » à Paris, une période particulièrement sensible dans l’univers du luxe. Leur stratégie : rompre le calme doré du quartier, « déranger les voisins pour qu’on négocie, maintenant ! ». Chants, danses, tambours, slogans qui claquent ont remporté l’adhésion des passants et attiré le regard des médias Si les représentants syndicaux sont tous des hommes, les femmes de chambre se sont bel et bien emparées de la manif.
« Il y a trop de choses cachées, l’esclavage est fini, mais on travaille dans un hôtel richissime et les employées sont payées au plus bas niveau : on veut que ça cesse », résume Liliane, employée depuis 5 ans, syndiquée depuis 3 jours. « Je ne savais pas », avoue-t-elle : isolées, mal informées, invisibles, la plupart se sont syndiquées il y a moins de deux mois.
Sous-traitance
Les 65 femmes de chambre et gouvernantes étaient employées par un sous-traitant, la Française de Service. « Sous-traiter le nettoyage, dans un hôtel de ce type, c’est incroyable. Si ça ne fait pas partie du travail d’un hôtel que d’avoir des chambres propres, il faudra qu’on m’explique », s’énervait lundi un responsable syndical. Difficile de négocier avec Hyatt dans ces conditions : Déborah reconnaît que « c’est avec la Française de Service que nous avons signé le contrat… ». Le palace peut ainsi se décharger de toute responsabilité et voit dans le conflit « ce qui relève de la stricte compétence de notre prestataire ».
Les femmes de chambre demandaient donc à être embauchées directement par le groupe Hyatt ; à l’instar de leurs homologues des hôtels Campanile et Première classe de Suresnes, qui ont été intégrées au groupe Louvre Hôtels après s’être mobilisées cet été. Les grévistes du Palace Hyatt revendiquaient également le droit à un treizième mois et le paiement des heures supplémentaires. Revendications revues à la baisse : les syndicats qui les accompagnaient (CGT et CNT) ont fini par se mettre d’accord sur un changement de prestataire de service, avec conservation des postes. La sous-traitance continuera donc. Mais elles auront droit à un treizième mois et celles qui le souhaitent pourront transformer leur temps partiel en temps plein.
Faire grève, leur luxe à elles
Le Palace Hyatt, c’est une nuit d’hôtel pour la modique somme de 900 euros minimum. La plus chère correspond au salaire annuel d’une de ses gouvernantes : 16 000 euros. Faire une grève illimitée est un luxe quand on gagne peu, mais le « ras-le-bol » l’a emporté, explique Déborah.
Pour elle comme pour d’autres collègues, c’était la première fois, avec la conscience que « [sa] tête est mise à prix » : tant pis, marre d’être payées moins que le SMIC, « à la chambre », pratique illégale confirmée par plusieurs employé-e-s, pour un travail difficile et minutieux, à la hauteur d’un cinq étoiles. « On veut vraiment qu’on reconnaisse nos droits, qu’on nous paye le 13e mois », 13e mois qui a été initialement accordé lors d’une précédente grève en 2007… et jamais versé.
Les gouvernantes des grands hôtels ont un salaire généralement plus élevé (environ 1500 euros au Carlton) : le travail est difficile, chaque chambre est préparée selon les demandes du client, il faut prendre soin du bois, des dorures, à la perfection. La pression est à la mesure des exigences, d’autant plus qu’il faut aller vite, pour faire la chambre dans le temps imparti et ne pas perdre d’argent. Efforts, précision, mémoire : Reza, 45 ans, est fière du savoir-faire qu’elle met en oeuvre ; elle a fait une formation de gouvernante avant d’entrer à la Française de Service, elle raconte : « J’aime mon travail, j’étais heureuse de travailler pour un Palace (…) Quand je suis arrivée, je me suis donnée avec abnégation. Je n’ai pas eu d’augmentation de salaire depuis 6 ans, pas un centime ».
Leur grève avait été suivie vendredi par une partie du personnel de l’hôtel, preuve du mécontentement général des employés du Palace. Ces derniers n’ont pas osé continuer, disant avoir subi des pressions et des menaces de licenciement.