Le 14 février, plusieurs militantes organisaient un rassemblement à Clermont-Ferrand pour la sixième année consécutive afin de rendre « femmage » aux victimes de féminicides par conjoint ou ex et sensibiliser à la lutte contre les violences machistes.
Alors que le jour de la Saint Valentin est prétexte à une vague de messages d’amour, plusieurs militantes féministes de Clermont-Ferrand se sont réunies le 14 février devant le banc rouge du Jardin Lecoq, un des parcs de la ville, pour rendre femmage à toutes les victimes de féminicides par conjoint ou ex. Pourquoi avoir choisi cette date ? « Pas besoin d’un jour spécial pour se respecter et se prouver qu’on s’aime » répondent les militantes. Et surtout, il s’agit de rappeler qu’ « on ne tue jamais par amour ! Tuer une femme c’est criminel, pas passionnel ». Même si les médias ont évolué sur ce sujet, il arrive encore que, pour parler de féminicide, certains journaux qualifient les faits de drames passionnels, de disputes qui auraient mal tournées ou d’amoureux éconduits. Alors, les militantes continuent d’interpeller autour du banc rouge, un point de rassemblement inauguré le 25 novembre 2021 à Clermont Ferrand en femmage à toutes les victimes de violences et de féminicides.
A l’origine de cette initiative, Jean-Jacques Bertin, le père de Laura, 22 ans, assassinée par son compagnon en mai 2019, fondateur de l’association Laura B., en mémoire de sa fille. Deux ans après , l’association Laura B. inaugurait la pose d’un banc rouge dans la commune de Saint-Chamas en Provence et Jean-Jacques Bertin et sa compagne lançaient alors un appel pour voir cette symbolique des bancs rouges se multiplier dans toutes les communes de France. Touchées par cette initiative, des militantes du collectif Nous Toutes 63 avaient alors fait une demande auprès de la Mairie de Clermont-Ferrand qui avait répondu positivement à cette requête.
Trois mois plus tard, le 14 février 2022, c’est l’université Clermont Auvergne (UCA) qui inaugurait à son tour, sur son campus des Cézeaux, un banc rouge en hommage aux victimes de violences conjugales et de féminicides. Initiative cette fois de la mission égalité et lutte contre les discriminations de l’UCA. A l’heure actuelle, Clermont-Ferrand est la seule ville de France à compter deux bancs rouges. Et ce n’est pas fini puisque lors de cette inauguration, l’Université Clermont Auvergne avait déclaré souhaiter installer d’autres bancs rouges sur différents campus. La Corse compte aussi deux bancs rouges, l’un à Ajaccio et l’autre à Bastia.
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Ce rassemblement du 14 février est un rendez-vous incontournable à Clermont-Ferrand. Initié en 2018 par des militantes de l’association Osez le féminisme 63 (OLF63), d’autres collectifs les ont rejoint depuis. Cette année, l’appel à se rassembler était lancé par OLF 63 et l’association My Girl’s Street mais aussi par de simples citoyennes, à l’image de Gaëlle, ancienne militante OLF 63, d’ailleurs présente lors du premier rassemblement il y a six ans. Passée depuis par le collectif Nous Toutes 63, c’est désormais en tant que militante féministe et citoyenne engagée qu’elle continue la lutte. Tous les premiers samedis du mois, elle installe autour du banc rouge du Jardin Lecoq toutes les pancartes réalisées par ses soins, une pour chaque femme assassinée, avec son prénom, âge et circonstances de sa mort : « Malheureusement, tous les mois j’en installe un peu plus…» Par ses actions, Gaëlle souhaite également montrer que « la misogynie est universelle, elle n’a pas d’âge et pas de couleur ». Elle sera donc à nouveau là le samedi 4 mars pour continuer de sensibiliser et cette fois, elle apportera avec elle un panneau supplémentaire, celui des assassins « pour démontrer qu’une pensée collective peut-être fausse. Grâce au panneau les personnes verront par elles-mêmes que les violences machistes sont systémiques dans le monde entier. La violence est masculine. Les 96,3% de la population carcérale sont des hommes. C’est cette virilité toxique que je veux dénoncer ! »
A consulter : DOSSIER VIOLENCES
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L’objectif de cette action est donc d’aller à la rencontre des gens et de sensibiliser. Et cela fonctionne, comme en ce 14 février où les passant·es étaient nombreux·ses à s’arrêter lire les différentes pancartes qui jonchaient l’herbe du parc. Enfants, hommes, femmes de tout âge, tous et toutes étaient choqué·es de voir cette multitudes de panneaux et tous ces noms de femmes qui ne sont plus. Les militantes sont là pour répondre aux diverses interrogations : « Cela ne concerne que la France ? », « combien de ces meurtriers sont en prison ? », « que fait l’État ? »…
Les échanges s’engagent, soit avec les militantes mais aussi entre membres d’une même famille ou avec des inconnu·es tout aussi ébahi·es devant ces chiffres. Une petite fille passe et s’exclame : « Mais c’est horrible. Il faut que ça s’arrête ! », une mère de famille explique à ses deux fils à quoi correspondent tous ces panneaux. Et malgré leur jeune âge, elle ne leur cache rien : « Ce sont des femmes qui ont été tuées par leur amoureux, enfin si on peut les appeler comme ça…, par leur conjoint. Regardez, cette dame avait l’âge de votre grand-mère ». Un couple de personnes âgées reste sans voix face aux militantes qui placent au sol les pancartes une à une. Casque sur les oreilles, des jeunes hommes s’arrêtent aussi pour lire les noms de toutes ces femmes tuées. « Une pancarte par femme assassinée, c’est visuel, cela permet aux gens de vraiment prendre conscience de ce fléau. Nous voulons montrer que ce ne sont pas des cas isolés, des faits divers, comme beaucoup continuent de le croire. Nous sommes faces à une violence systémique et il faut la dénoncer encore et encore » explique une autre militante.
Depuis le début de l’année, 17 femmes ont été assassinées par leur conjoint ou ex en France. Ce sont en tout 777 femmes qui sont mortes sous les coups de leur compagnon ou ex depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron en 2017. Pour Leïla d’Osez le Féminisme 63 et pour les autres militantes, l’objectif est clair : « il est plus que temps d’agir concrètement. Réclamons de réelles campagnes nationales pour éduquer à la non violence et à l’égalité. Réclamons des peines planchers pour les agresseurs et meurtriers. Réclamons que les plaintes aboutissent réellement et soient systématiquement prises au sérieux. Réclamons que toutes les femmes en danger puissent être accompagnées où qu’elles soient, quelles qu’elles soient. Réclamons la protection pour les plus vulnérables. Protégeons les mères et leurs enfants ! ».
Et pour cela, des journées d’action comme celle-ci sont plus que jamais nécessaires. En cette belle journée ensoleillée, les militantes ce sont faites entendre et se réjouissent d’avoir pu sensibiliser autant de monde, comme le dit Leïla à l’issue de cette journée : « Quelle belle Fem’action en femmage aux 777 femmes assassinées par leur conjoint ou ex compagnon depuis le fameux lancement de la « grande cause nationale » par notre cher président ! ».
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