La présence de la cinéaste allemande Mascha Schilinski est une des surprises du Palmarès avec son prix du jury ex aequo. Autre découverte mise en lumière par le jury, Nadia Melliti, héroïne de « La petite dernière » de Hafsia Herzi, a reçu le prix d’interprétation pour son premier rôle.
Il y avait peu de réalisatrices en compétition, il y a donc peu de réalisatrices au Palmarès final de ce 78ème festival. Ce qui ne veut pas pour autant dire que les choix du jury présidé par Juliette Binoche seraient scandaleux, au contraire ils sont équilibrés et reflètent la qualité des films de cette année : diversifiés, enthousiasmants, tant en compétition que dans les sections parallèles. Je suis une fan inconditionnelle du cinéaste iranien Jafar Panahi et la Palme d’or à son « Simple accident » était aussi méritée que politique. La dernière (et seule) palme d’or iranienne a été attribuée au « Goût de la cerise » d’Abbas Kiarostami en 1997.
Etant donné le rythme cannois, j’avoue avoir raté « Sound of Falling » de Mascha Schilinski, prix du jury ex-aequo ! Je suis arrivée le lendemain de sa présentation en tout début de festival et je n’ai jamais réussi à le rattraper. Mais deux amies critiques (femmes) m’ont partagé leur enthousiasme devant une pizza avalée à la va-vite et m’ont complètement donné envie de le découvrir.
La réalisatrice allemande Mascha Schilinski, 41 ans, était l’invitée mystère de la compétition avec son deuxième long métrage. Mais il a été vite boudé par la critique : un nom de cinéaste impossible à prononcer, un film trop long (2h39), trop compliqué avec ses allers et retours dans le temps. Pourtant le synopsis est prometteur: « Quatre jeunes filles à quatre époques différentes. Alma, Erika, Angelika et Lenka passent leur adolescence dans la même ferme, au nord de l’Allemagne. Alors que la maison se transforme au fil du siècle, les échos du passé résonnent entre ses murs. Malgré les années qui les séparent, leurs vies semblent se répondre. » La cinéaste raconte avoir réalisé des recherches dès le scénario auprès de vieilles fermières et servantes de la campagne de l’Allemagne de l’Est. Elle a cité une phrase d’employée de ferme résumant son existence fantôme : « J’ai en fait vécu absolument en vain ». Recevoir un prix, c’est mettre ces douleurs silencieuses et générationnelles en lumière. Mascha Schilinski a donc dédié son prix à ces femmes oubliées : « Vos voix sont importantes, ne renoncez pas à réaliser vos projets »

(c) Martin Kraft – Travail personnel – Wiki Media Commons
L’autre découverte de ce Palmarès se prénomme Nadia. Pour ses débuts au cinéma dans le rôle principal de « La Petite Dernière », elle a raflé la mise avec le prix d’interprétation, très rare pour des comédiennes venues de « nulle part ». C’était d’autant plus émouvant de découvrir cette jeune fille, Nadia Melliti, prendre le micro avec calme sur la scène d’une immense salle intimidante : « C’est un immense honneur, je ne saurais décrire l’émotion incroyable qui me traverse » a-t-elle commencé avant de remercier Hafsia Herzi, l’équipe, le Jury mais aussi ses ami.e.s de la Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives) et de terminer par sa maman. La réalisatrice Hafsia Herzi a quant à elle remporté la veille la Queer Palm (prix du meilleur film LGBT) pour ce portrait d’une jeune musulmane douloureusement tiraillée entre son attirance pour les filles et son attachement à la religion et à sa famille.

la veille du Palmarès.
Derrière elle, Christophe Honoré, président du jury de la Queer Palm.