Oui les réalisatrices sont minoritaires au festival de Cannes. Mais nous allons évidemment trouver chaque jour des raisons de nous réjouir. Première raison : la cinéaste Amélie Bonnin ouvre la sélection officielle avec son premier long métrage. Une comédie musicale très ….. réjouissante.

C’est l’histoire d’une petite fille qui grandit à Châteauroux dans les années 90 et rêve de monter à Paris faire du cinéma. Elle s’appelle Amélie, elle réalisera des documentaires et des courts métrages, dont « Partir un jour » en 2022. En 25 minutes pétillantes, la cinéaste raconte avec humour le retour d’un jeune écrivain dans sa ville natale où il croise par hasard une amour d’adolescence enceinte. Quand ce film a reçu le César du meilleur court métrage en 2023, Amélie Bonnin a su exprimer l’essentiel en quelques secondes : « Ce prix ça veut dire qu’on peut être une femme, avoir deux enfants, des cheveux blancs, presque quarante ans et sentir qu’on est au commencement des choses. Et ça c’est extrêmement précieux. » L’histoire est belle en effet, puisque ce César lui a permis de réaliser son premier long métrage, au même titre, au même sujet, avec le même joli duo de comédiens, Juliette Armanet (qui n’avait pas encore chanté aux Jeux Olympiques) et Bastien Bouillon (qui a lui aussi grandi près de Châteauroux). Et parce que tout est bien qui finit bien, ce film a ouvert mardi soir le 78ème Festival de Cannes (c’est la première fois qu’un premier film est en ouverture) et sort en salles ce mercredi.
Mais pour « Partir un jour » version long métrage, la cinéaste a choisi d’inverser les rôles du court : Cécile l’héroïne est cette fois une quarantenaire qui s’apprête à ouvrir son restaurant gastronomique à Paris, mais doit revenir en urgence chez ses parents qui un routier. Elle recroise son amour d’adolescence, devenu garagiste; c’est elle qui est partie et lui qui est resté. Les thématiques s’entrelacent joliment : Cécile est enceinte et ne veut pas d’enfant ; son père est fâché et buté; son compagnon débarque. Bref on brasse large et chacun y trouvera de quoi s’identifier.
Evitant la mélancolie, les regrets ou les remords,« Partir un jour » réussit son pari : être une comédie musicale populaire. Attendez-vous en sortant de la salle à fredonner des refrains comme « Alors on danse » « Femme Like U », et évidemment « Partir un jour » des 2be3, dans une très jolie version « Juliette Armanesque ». Attendez-vous également à garder un sourire banane pour toute la journée.
« Partir un jour » d’Amélie Bonnin. Scénario d’Amélie Bonnin et Dimitri Lucas. Avec Juliette Armanet, Bastien Bouillon, François Rollin, Dominique Blanc. Production : Topshot Films, Les Films du Worso. Distribution : Pathé. En salles mercredi 14 mai.

(Amélie Bonnin et Juliette Armanet sur le tournage)
Les réalisatrices sont des modèles pour les réalisatrices
La première semaine de mai, Amélie Bonnin a donné une longue interview à la revue féministe La Deferlante, où elle a travaillé comme directrice artistique : « J’ai un souvenir très marquant du discours de Julia Ducournau lorsqu’elle a reçu la Palme d’or à Cannes, en 2021, pour Titane. À ce moment-là, elle est seulement la deuxième femme à remporter ce prix [Justine Triet l’a depuis obtenue pour Anatomie d’une chute en 2023 ndlr], mais de plus en plus de réalisatrices, des femmes dont on sait citer le nom, commencent à avoir du succès en France et à incarner des modèles. En référence à son héroïne mutante, elle remercie le jury d’avoir « laissé entrer les monstres » dans le cinéma, c’est-à-dire les gens considérés comme hors normes. Donc c’est plus large que la seule représentation des femmes. Son discours a ouvert quelque chose en moi, je l’ai ressenti physiquement : j’ai réalisé qu’il y avait encore tellement de verrous et qu’elle était en train d’en faire sauter plusieurs. »